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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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vomissement. Je lui défis sa cravate, lui ouvris sa chemise et l’inondai d’eau de Cologne. La crise dura environ un quart d’heure. Ensuite il parut comme surpris de l’avoir éprouvée, recouvra la parole, se rhabilla et nous dit :
    — Je vous demande à tous deux le secret le plus absolu sur ce que vous venez de voir.
    Une demi-heure après cette attaque qui ressemblait étrangement à une crise d’épilepsie, le mal des comices comme on disait alors, Napoléon partait pour Karlsruhe et Charles Maurice pour Munich puis Vienne, via Linz où il espérait revoir la chère comtesse de Brionne qu’il avait tant aimé caresser jadis, sous l’Ancien Régime, quand il avait une vingtaine d’années et qu’elle en comptait quarante. Mais elle était si belle, alors, avec « sa taille bien prise et haute, son air imposant, obligeant et doux et son visage aux courbes parfaites ». Il savait qu’elle s’était installée dans cette jolie ville de la Haute-Autriche aux premières heures de l’émigration. Il lui avait d’ailleurs écrit pour annoncer sa venue et pour tenter surtout de se faire pardonner car elle lui avait toujours reproché « ses activités perverses », c’est-à-dire sa collaboration à la Révolution et sa soutane vendue aux chiffonniers.
    Alors qu’elle avait fait de ses pieds cambrés et de ses mains fines pour qu’il fût un jour cardinal !
    — Non, monsieur, Madame la comtesse de Brionne ne peut pas vous recevoir, pour cette bonne raison qu’elle s’est absentée pour quelques jours.
    — Elle n’est pas à Linz ?
    — Non, monsieur. Mais si vous êtes Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, Madame la comtesse m’a laissé une enveloppe cachetée à votre attention.
    Cette enveloppe-là ne contenait que sa propre lettre, celle qu’il lui avait adressée pour l’informer de sa visite.
    Ainsi donc, elle ne voulait plus le revoir !
    Il eut de la peine, sans doute, mais il ne le montra pas.
    Ce n’est que dix ans plus tard, à l’occasion du congrès de Vienne, qu’elle acceptera de le rencontrer. Elle avait quatre-vingt-un ans, il était sexagénaire. Mais quelle émotion, ce jour-là, à Presbourg où elle s’était retirée.
    — Elle m’a accueilli, raconte-t-il dans ses Mémoires . Je me suis jeté à ses pieds. Elle m’y laissa assez de temps pour que j’eusse le bonheur de recevoir ses larmes sur mon visage.
    — Vous voilà donc enfin, me dit-elle. J’ai toujours cru que je vous reverrai. J’ai pu être mécontente de vous, mais je n’ai pas cessé un moment de vous aimer. Mon intérêt vous a suivi partout (sauf à Linz !)... Votre position est belle, aujourd’hui.
    — Oh ! oui, je la trouve bien belle, marmotta Charles Maurice étreint par l’émotion.
    À tel point même que, se sentant défaillir, il dut s’absenter quelques instants pour aller prendre l’air sur les bords du Danube.
    — Quelques jours après cette entrevue, la mort m’enleva cette amie que j’avais été si heureux de retrouver.
    Qui oserait encore prétendre, maintenant, que Talleyrand n’était pas un grand sentimental ?

Chapitre onze
    La grande vie à Varsovie
    Au lendemain de la victoire d’Austerlitz, « ce champ couvert de morts sur qui tombait la nuit », comme dira le poète, entre deux commandes de victuailles, Charles Maurice rédige les clauses du traité de Presbourg.
    — On manque de pain, de volailles et de pommes de terre, même à Vienne, fait-il savoir à son fidèle valet Courtiade qui était resté à Munich. Faites-m’en parvenir. Envoyez-moi aussi du vin de Malaga très sec, le moins liquoreux possible.
    Le traité de Presbourg ? On dit qu’en le faisant ratifier le 1 er  janvier de 1806, pour ne pas faillir à la bonne tradition, le fieffé Charles Maurice parvint encore à grappiller, pour son usage personnel, quelque chose comme cinq millions de francs.
    — Il a épongé cette somme sur les tables de Presbourg avec ses manchettes de dentelle, sourit un chroniqueur.
    On pourrait plutôt parler de dessous-de-table.
    Pour l’Autriche, le traité de Presbourg fut léonin. En bref, il signait la fin du Saint Empire germanique. Car non seulement Vienne était sommée d’abandonner la Vénétie, la Dalmatie, l’Istrie, le Brisgau et la Souabe, mais par la même occasion elle perdait tout contrôle sur les routes des Alpes et du Rhin.
    — Il ne faut pas humilier l’Autriche, avait pourtant fait observer Charles Maurice à son

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