Talleyrand, les beautés du diable
signer l’acte de naissance du nouveau-né !
C’est un fils ! Un gros poupon immédiatement prénommé Napoléon Charles Louis, le futur Napoléon III.
— C’est affaire à Votre Majesté de nous donner des princes ; il faut se reposer sur elle de notre bonheur à venir, avait glissé Charles Maurice à l’oreille de la parturiente, comme pour l’encourager.
— Quand il s’est approché de mon lit, se souviendra Hortense, il portait une perruque trop poudrée et si violemment parfumée que j’ai failli être suffoquée. Tout le temps qu’il resta là j’ai bien manqué m’évanouir.
À cet instant, sous sa moumoute farineuse, Talleyrand ne put sans doute s’empêcher de songer à son fils Charles de Flahaut. N’avait-il pas déjà caressé le joli corps de cette jeune maman qui était là, devant lui ? Mais, en tout cas, il était sûr de n’être pas le grand-père du nouveau-né car à l’époque de sa conception, c’est-à-dire en juillet précédent, si Hortense se promenait à Gavarnie et prenait les eaux à Cauterets, Charles, lui, était en garnison dans un coin reculé de la Prusse.
Qui, alors, si ce n’était Charles ?
Louis, le mari officiel ? Peut-être, même si lui ne se faisait guère d’illusions.
— J’ai épousé une Messaline qui accouche, dira-t-il d’ailleurs un jour de mauvaise humeur.
C’est-à-dire un jour comme les autres.
— Le roi de Hollande fait de la contrebande et sa femme fait de faux Louis, chantonnera-t-on bientôt dans Paris.
Qui, donc ?
Hortense elle-même ne pouvait probablement pas répondre à cette question.
L’ambassadeur hollandais Verhuel ? Le ministre Decaze ? Montrand ? Septeuil ? Le chambellan Villeneuve ? Le peintre Thiénon qui partageait, à Gavarnie, la même auberge que l’attirante enfant « à la démarche de biche » ?
Certains historiens de Napoléon III auraient plutôt tendance à pencher pour le comte Charles Adam de Bylandt-Palterscamp et d’autres tout simplement pour Louis.
— Quand il s’agit des pères de ses enfants, Hortense s’embrouille toujours dans ses calculs, souriait de son côté le cardinal Fesh, l’oncle de Napoléon I er .
Le 2 mai, soit une douzaine de jours après la naissance de l’enfant au père incertain, la révolte explose à Madrid. C’est le tragique et célèbre Dos de Mayo .
Ayant appris que Ferdinand et ses jeunes frères avaient été emmenés à Bayonne, les Madrilènes s’étaient sentis abandonnés. Et ils ont laissé éclater leur colère.
— Mort aux gavachos !
Que de scènes tragiques, alors ! N’a-t-on pas vu des femmes et des enfants, armés de couteaux, se jeter sur les chevaux de la garde de Murat pour leur couper les jarrets ou leur crever le ventre ! Et que dire du sort qui était réservé aux mamelouks, si habiles pourtant à manier le cimeterre courbe ! Poussés au bas de leurs montures, ils se trouvaient aussitôt déchiquetés par des poignards frénétiques et la plupart du temps on leur arrachait le coeur. Tout cela parce qu’ils étaient des descendants des Maures, les anciens maîtres de l’Espagne.
Exaspérés, effrayés, les hommes de Murat se mirent alors à tuer à l’aveuglette et avec une telle sauvagerie que l’on dit que, le soir venu, le sang coulait dans les ruisseaux de Madrid comme l’eau de la pluie.
Napoléon apprend la nouvelle du carnage à Bayonne, où il a fait venir Charles IV, Godoy et Ferdinand VII. Et l’entrevue des bords de l’Adour se transforme alors en traquenard. Charles se voit en effet contraint de renoncer à son trône et Ferdinand de résilier ses propres droits. Et il n’est pas question un seul instant qu’ils puissent rentrer en Espagne ! Dans un premier temps, le père sera consigné en résidence à Compiègne avec la reine Marie-Louise et son amant Godoy, quant au fils, accompagné de son frère, l’infant don Carlos et de son oncle, don Antonio, il connaîtra la prison dorée de... Valençay.
Napoléon avait décidé de promouvoir le prince de Bénévent et vice-Grand Électeur au rang de grand geôlier de l’Empire !
Et naturellement sans l’avoir consulté.
— Tenant à faire croire que j’approuvais ses projets, il choisit mon château pour en faire la prison du prince des Asturies, de son frère et de leur oncle, confiera Charles Maurice.
— L’Empereur punissait Talleyrand de n’avoir pas partagé tous ses projets, songeait de son côté
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