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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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de la grande Afrique deviendraient un jour les clients privilégiés des marchands de canons et les interlocuteurs favoris de nos cabinets noirs.
    Talleyrand, en ministre des Affaires étrangères qui se respecte et sans doute parce que ses paires de chaussures coûtaient une fortune – mais à sa décharge les siennes étaient orthopédiques ! –, avait en effet l’habitude de se faire payer fort cher la consultation et de prélever – on l’a déjà vu – de coquettes sommes sur toutes les affaires qu’il traitait.
    Mais il les traitait avec une telle classe !
    On connaît cette scène durant laquelle, à la fin d’un dîner à la Lucullus, installé au coin de la cheminée, il offre les liqueurs et les alcools à ses invités.
    — Merci, dit simplement l’un de ses convives avant d’avaler cul sec le verre de fine de Champagne que le valet venait de lui présenter.
    — Oh ! monsieur, quelle grande honte sur vous, lui dit Charles Maurice.
    — Ah, de la honte ?
    — Oui, monsieur, shame on you (on se souvient ici que Talleyrand avait vécu en Angleterre) qui ne savez pas boire le cognac !
    — Mais... comment le boit-on ?
    — C’est bien simple, monsieur, voyez seulement : on commence par prendre son verre dans le creux de la main.
    — Oui, et ensuite ?
    — Ensuite on le réchauffe, on l’agite en lui donnant une impulsion circulaire afin que la liqueur dégage son parfum.
    — Et alors ?
    — Alors enfin on le porte à ses narines, hum... et on le respire doucement.
    — Et puis ?
    — Et puis, monsieur, on pose son verre... et on en parle !
    Évidemment, avec la femme du duc de Dantzig, la conversation était un peu moins relevée.
    — Ah ! ben dites donc, lui dit-elle un soir en sortant de table, vous nous avez donné là un fier fricot, ça a dû vous coûter gros !
    — Ah ! madame, répond le prince de Bénévent usant fort galamment du même langage, madame est bien bonne, ce n’était pas le Pérou !
    Il convient tout de même de savoir que la duchesse de Dantzig – la femme du maréchal Lefebvre – avait longtemps été blanchisseuse dans la compagnie de son futur mari et que l’Histoire la retient sous le nom de Madame Sans-Gêne.
    Charles Maurice avait plaisir à se moquer du monde. Et qu’importait que son interlocuteur comprît ou non son ironie, il aimait le mot pour le mot. Il était un esthète de la repartie. Si une dame – qu’il avait sans doute connue bibliquement – lui écrit pour lui apprendre la mort de son mari, il lui répond sobrement :
    « Chère Madame, hélas ! Votre dévoué... »
    Et quand, quelques mois plus tard, elle lui adresse un nouveau courrier pour lui annoncer qu’elle va se remarier, elle aura droit à un :
    « Chère Madame, bravo ! Votre dévoué... »
    Il pouvait être franchement cynique, aussi. Par exemple, quand on lui recommande vivement un jeune homme pour lui obtenir un poste dans telle ou telle ambassade. Il lui trouve une affectation. Le jeune homme en question se précipite alors dans son bureau pour venir lui exprimer sa gratitude.
    — Ah ! monseigneur, je vous suis d’autant plus reconnaissant que c’est la première fois de ma vie que j’ai de la chance...
    — Vraiment ? demande Charles Maurice interloqué. En général vous n’êtes pas heureux ?
    — Oh ! non, monseigneur, je ne l’ai jamais été.
    — Alors, tant pis, monsieur, vous n’aurez pas votre ambassade. Parce que en politique, voyez-vous, il convient d’être chanceux.
     
    Chanceux ? On ne peut pas dire que Talleyrand le fut réellement dans la déplorable affaire d’Espagne de 1808 qui allait commencer de mettre de l’huile sur ce coin de feu qu’il avait longtemps partagé avec Napoléon.
    Car la péninsule Ibérique était alors un vrai guêpier et non une belle ruche à miel comme avait pu l’imaginer l’Empereur toujours enclin à croire qu’il y avait en Europe autant d’abeilles travailleuses à sa disposition qu’il s’en était trouvé sur les velours de son sacre.
    Un guêpier au bourdonnement sourd.
    Avec, dans les alvéoles ou les rayons, un roi, un prince et un ministre.
    Le roi, c’était Charles IV, un vieux Bourbon cocu et valétudinaire.
    Le prince, c’était son fils ; il se prénommait Ferdinand, il était prince des Asturies, il ne rêvait que de la Couronne. La Couronne, oui, et le plus vite possible ! dût-il même évincer son père pour pouvoir la coiffer.
    Le ministre, qui

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