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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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passait-il ? Chacun courbait l’échine. Sauf Talleyrand qui avait lentement claudiqué jusqu’à la cheminée, qui s’y était négligemment accoudé et faisait semblant de n’être pas concerné.
    — Mes ministres doivent cesser d’être libres de leurs pensées et de leurs expressions, commença l’Empereur. Sachez que si vous doutez de moi, vous me trahissez !
    Le ton était donné, tous les participants commençaient à se racrapahuter.
    Sauf Talleyrand qui était maintenant venu poser ses mains sur une console.
    Alors, Napoléon a bondi vers lui, le rouge aux joues, la lèvre écumeuse, ne se contrôlant plus.
    Presque grotesque.
    — Vous, tonna-t-il en pointant son doigt vers le prince de Bénévent, vous êtes un voleur, un lâche, un homme sans foi. Vous ne croyez pas à Dieu ! Vous avez, toute votre vie, manqué à tous vos devoirs. Vous avez trompé, trahi tout le monde. Il n’y a pour vous rien de sacré. Vous vendriez votre père ! Je vous ai comblé de biens et il n’y a rien dont vous ne soyez capable contre moi. Ainsi, depuis dix mois, vous avez eu l’impudeur, parce que vous supposez à tort et à travers que mes affaires en Espagne vont mal, de dire à qui veut l’entendre que vous avez toujours blâmé mon entreprise sur ce royaume !
    Charles Maurice est maintenant « pâle comme la mort », il ne dit mot.
    — Quels sont vos projets ? s’emporte Napoléon devenu blême. Que voulez-vous ? Qu’espérez-vous ? Osez le dire ! Pourquoi ne vous ai-je pas fait pendre aux grilles des Tuileries ? Ah ! vous mériteriez que je vous brisasse comme du verre ! J’en ai le pouvoir, mais je vous méprise trop pour en prendre la peine. Oh ! tenez, voulez-vous que je vous dise, vous êtes de la merde ! Vous êtes de la merde dans un bas de soie !
    — Mais enfin, s’étonnera la vicomtesse de Laval quand Charles Maurice lui racontera cette scène dramatique, vous n’avez pas saisi une chaise, des pincettes, un tison ? Enfin, ce que vous aviez sous la main ! Vous ne vous êtes pas jeté sur lui ?
    — Si, si, si, j’y ai bien songé, évidemment, lui répondra-t-il, mais je suis trop paresseux pour cela...
    Durant tout le monologue impérial, il était resté telle une momie. Aucun signe de vie apparent sur son visage, pas un froncement du front sous sa perruque archipoudrée. Aussi, pour le faire réagir, l’Empereur avait-il tenté de planter une dernière banderille :
    — Et votre femme ? Vous ne m’aviez pas dit que San Carlos était l’amant de votre femme ?
    À insolent, insolent et demi, la lèvre pâle, le visage de plâtre et l’oeil glacial, Charles Maurice répliqua calmement :
    — En effet, Sire, mais je n’avais pas pensé un seul instant que ce rapport pût intéresser la gloire de Votre Majesté ni la mienne.
    Puis il fut prié de sortir.
    Alors il traversa lentement le salon, « avec sa boiterie inimitable », et aux laquais médusés qui lui ouvrirent la porte il lança, à voix suffisamment claire pour que chacun des participants de la réunion fatale pût l’entendre :
    — C’est grand dommage, messieurs, qu’un si grand homme soit si mal élevé.
    Il passa la nuit chez Catherine de Boullongne, la vicomtesse de Laval qui avait jadis été sa bonne maîtresse. Sans doute ne voulait-il pas se retrouver seul et craignait-il aussi qu’une escouade de gendarmes ne vînt lui mettre la main au collet pour l’emmener dans une sinistre chambre de Vincennes.
    Une de ces cellules dans laquelle, cinq ans plus tôt, le duc d’Enghien avait passé sa dernière nuit.
    Cette nuit-là, il eut un malaise et le lendemain, le dimanche 29 janvier, il refusa de se lever.
    Ainsi donc, son sang-froid n’était pas glacé !
    Le lundi, il reprit du poil de la bête. Il apprit ce jour-là qu’il ne serait pas enfermé dans la vieille forteresse des premiers Capétiens, il suffisait qu’il rendît cette clef qui était le symbole de ses fonctions de grand chambellan.
    Mais dans l’affaire il perdait tout de même 40 000 francs de pension !
    Ce qui ne le mit pas de bonne humeur bien qu’il en perçût plus de 500 000 d’autres parts.
    Allons, il trouverait bien quelqu’un à qui il pourrait vendre ses services. Metternich, par exemple.
    Ce qui le met en joie, durant cet hiver de 1809 où Napoléon lui a fait une réflexion bien sentie, c’est le mariage de son neveu Alexandre Edmond de Périgord, le fils cadet de son frère Archambaud. Parce

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