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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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qu’il l’avait savamment préparée, cette union, surtout depuis la mort du pauvre Louis sur lequel il avait fondé tant d’espoirs familiaux.
    L’idée lui était venue à Erfurt quand il avait sympathisé avec le tsar Alexandre... et commencer de trahir Napoléon.
    En aparté, entre deux plans sur la comète européenne, il lui avait glissé à l’oreille :
    — Sire, Votre Majesté me permettra de lui demander une faveur. J’ai eu le malheur de perdre l’aîné de mes neveux, un jeune homme d’espérance. Il m’en reste un que je voudrais avantageusement marier ; mais en France je dois y renoncer. L’Empereur garde les riches héritières pour ses aides de camp. Alors voilà : Votre Majesté a pour sujette une famille à laquelle mon plus grand désir serait de m’allier : pour tout vous dire, la main de la princesse de Courlande comblerait les voeux de mon neveu.
    Et tant pis si Dorothée et Edmond n’avaient pas été consultés !
    Car elle se prénommait Dorothée la jeune princesse que Charles Maurice avait décidé de faire entrer dans sa famille.
    Et elle était riche, bien sûr.
    On disait même qu’elle était la plus riche héritière d’Allemagne et de Pologne.
    Il est vrai que sa mère, Anne-Charlotte-Dorothée, n’était pas une damnée de la terre. Comtesse du Saint-Empire et veuve du duc Pierre II de Courlande, elle disposait d’une des plus grosses fortunes d’Europe. Outre le duché de Courlande, elle possédait la principauté de Sagan, un palais à Berlin (Unter den Linden), les gigantesques domaines bohémiens du prince Piccolomini et tutti quanti .
    Elle possédait aussi une anatomie qui mettait en émoi tout représentant du sexe masculin qui l’approchait. Avant de mourir, son vieux mari, le duc Pierre II de Courlande, lui avait officiellement fait quatre filles.
    Ce vieil homme, qui comptait trente-sept ans de plus que son épouse (au jour de leur mariage elle avait dix-sept ans quand il en accusait cinquante-quatre), avait toujours eu la délicatesse de reconnaître les enfants que sa femme lui avait donnés, alors qu’il n’ignorait pas qu’au calcul des probabilités il n’y avait que peu de cas de figure possibles qu’il en fût le géniteur.
    Mais puisque l’on dit que l’amour rend aveugle...
    Sa femme le trompait ? Avec le sémillant Alexandre Batowski, par exemple.
    Et cependant, ce Batowski-là était un peu fou. Une sorte de Louis II de Bavière avant l’heure. Polonais pur et dur, prodigieux homme d’affaires possédant un carnet d’adresses sur lequel figuraient les noms de tous les grands du temps, il finira en solitaire ombrageux, en shakespearien capricieux, à l’abri d’une somptueuse demeure bâtie à grands frais par sa maîtresse au fond d’une épaisse forêt.
    — Il aimait les nuits, le brouillard, les cauchemars, les cimetières, dit un chroniqueur. Il devint infréquentable.
    Auparavant, c’est-à-dire dans le temps où il avait le commerce agréable, de longs et beaux cheveux bruns bouclés, un visage étonnamment doux et ouvert, avec des yeux d’une grandeur démesurée, Batowski n’avait eu aucune peine à séduire la duchesse de Courlande et à « mettre le feu à sa poudre qui était prompte à s’enflammer ».
    Et neuf mois plus tard était née Dorothée.
    Qui avait, elle aussi, de très grands yeux ardents étincelants, d’un violet sombre, un teint de gitane et des cheveux d’un noir de jais.
    — Ma fille ne me ressemble pas le moins du monde, grogna légèrement le vieux duc de Courlande qui endossa cependant la paternité sans sourciller.
    Et il fit mieux !
    Comme il voulait que sa jeune épouse fût heureuse, il l’autorisa à vivre six mois par an avec le beau Batowski, à condition tout de même que pendant l’autre moitié de l’année elle consentît à partager le domicile conjugal.
    On savait vivre, à cette époque !
     
    — Dorothée, vous avez quinze ans, vous êtes maintenant en âge d’être mariée, aussi je vous annonce que vous allez épouser Edmond de Périgord, lui dit sa mère, un jour, ex abrupto .
    — Edmond comment ?
    — Il s’agit du neveu du prince de Bénévent, un collaborateur de cet empereur Napoléon qui est si bon pour la Pologne.
    — Non, mère, je ne l’épouserai pas. Je n’aurai jamais d’autre mari que le prince Adam Csartorisky. C’est lui que j’aime et que j’aimerai toujours. Il a quarante ans, qu’importe ! J’aime son regard mélancolique et

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