Talleyrand, les beautés du diable
– chez l’homme qui avait été grassement injurié par l’Empereur, Anne-Charlotte-Dorothée et Dorothée allaient tomber des nues.
Talleyrand aussi.
Parce que s’il trouva que la jeune épouse de son neveu était un peu trop sauvageonne, maigriotte et caustique, s’agissant de la belle-mère du même neveu, il fut immédiatement sous le charme.
Mais la duchesse de Courlande n’avait somme toute aucun mérite puisque dès qu’une femme était agréable à regarder – pourvu quand même qu’elle ne fût point trop sotte – il était tout disposé à faire le joli coeur. À cinquante-cinq ans comme à vingt.
L’étonnement des deux charmantes princesses venues du froid ? Qu’on se mette à leur place ! Elles venaient tout simplement de débarquer chez un homme qui avait la réputation d’aimer les femmes et qui le prouvait chaque jour que Dieu faisait.
N’était-il pas, alors, l’amant de la piquante duchesse de Montmorency, une dame du palais de l’Impératrice ? Il ne pouvait le nier puisque les policiers de Fouché avaient consigné le fait sur leurs tablettes. Ce faisant, ils avaient aussi noté que la jolie Catherine avait conjointement des bontés pour l’ancien évêque ariégeois de Pamiers.
— Eh oui ! s’amusait le ministre de la Police, si dans l’Ancien Régime le prince de Bénévent était évêque, aujourd’hui il n’est plus que coadjuteur !
Et puis il y avait toutes ses anciennes liaisons qui n’en finissaient pas de venir lui passer la main dans le dos ! Aimée de Coigny, par exemple, ou la princesse de Vaudémont dont il avait été l’amant quand il portait à peine – à grand-peine ! – la soutane.
— Bah ! disait Aimée de Coigny à propos de cette rivale de quarante-six ans, elle ne demande aux révolutions que de passer par sa chambre sans s’informer où elles vont ensuite... Pourvu que son petit chien ait le droit de mordre familièrement les ministres et les ambassadeurs et que son thé soit pris dans l’intimité par les hommes puissants, le reste l’occupe peu...
Madame de Bauffrémont participait également à la distribution des caresses du prince. Fouché – qui avait décidément un oeil derrière tous les trous de serrure de la capitale – ne laisse aucun doute quant à cette liaison.
— Le prince de Bénévent est maintenant en commerce avec madame de Bauffrémont, fille de monsieur de la Vauguyon et aussi avec madame Regnault de Saint-Jean-d’Angély.
Insatiable Charles Maurice !
En revanche, quand Marie-Thérèse Tyszkiewicz, son ancienne maîtresse polonaise et borgnesse, fait irruption à Paris en octobre 1808 après l’avoir anéanti de courriers qui étaient comme autant de déclarations d’amour et lui avoir fait parvenir un luxueux coffret en bois d’ébène pour qu’il pût y ranger cette brûlante correspondance, il n’en croit pas ses yeux. Il a devant lui une femme qui, en un an et demi, a bien dû prendre une soixantaine de livres !
— C’est vrai, raconte alors le duc de Feltre, madame Tyszkiewicz avait l’allure fort enveloppée, sa taille était devenue monstrueuse. En outre, elle arborait une énorme quantité de choses sur la tête et portait de vieux oripeaux d’habits d’une tournure inouïe. J’en étais vraiment fâché pour elle mais jamais on n’a été poupée de Nuremberg comme cela.
Dans ces conditions, il est inutile de dire que Talleyrand ne cherchât plus à déshabiller le baigneur !
D’autant qu’il était alors fort empressé auprès des ravissantes soeurs de Bellegarde.
Il est vrai qu’elles avaient un charme fou, Adèle et Aurore, les deux piquantes Savoyardes. Et même si elles n’étaient plus des caillettes à leur premier envol, elles demeuraient l’une et l’autre fort appétissantes.
Aurore, la cadette, avait déjà fait les beaux jours et les nuits chaudes du conventionnel Philibert Simond. Cet homme-là n’avait pas souhaité voir le roi Louis XVI monter à l’échafaud. Aurore en fut sans doute chagrinée, elle qui, avec sa soeur aînée, avait été friande d’exécutions capitales. On raconte, par exemple, qu’assistant un jour à la décollation d’un noble Savoyard qu’elles avaient rencontré jadis chez leur père, après avoir crié « vive la Nation ! », elles tombèrent d’accord pour se dire que « l’exécution est beaucoup plus intéressante lorsque l’on connaît les gens ».
Adèle avait été très éprise de Marie Jean
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