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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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c’est moi qui vous dis : « Asseyez-vous et causons. »
    En réalité, au fond de son large fauteuil, guêtré de rouge et boudiné dans un ample habit bleu à boutons d’or, le roi va monopoliser la parole. Il insiste notamment sur le fait qu’il se considère dans la dix-neuvième année de son règne ; il parle du tsar avec un certain mépris, le traitant même de « satrape oriental » ; il annonce sa prochaine entrée solennelle dans Paris (en calèche, car aucune monture n’aurait pu le soutenir !) ; il souhaite que l’on chante un Te Deum à Notre-Dame, il soliloque ainsi pendant de longues minutes et puis il en vient enfin à s’adresser directement à son interlocuteur.
    — J’admire votre influence sur tout ce qui s’est passé en France lui dit-il, caustique. Comment avez-vous pu abattre le Directoire et tout récemment la puissance colossale de Bonaparte ?
    — Mon Dieu, Sire, je n’ai vraiment rien fait pour cela, c’est quelque chose d’inexplicable que j’ai en moi et qui porte malheur aux gouvernements qui me négligent.
    À roué, roué et demi.
    Plus tard, se souvenant de cette journée du 29 avril, Charles Maurice confiera :
    — Je ne peux vous décrire mon désappointement lorsque je l’ai rencontré... J’ai pu juger de son caractère : égoïste, insensible, épicurien, ingrat... Louis XVIII est le plus fieffé menteur que la terre ait jamais porté.
    Dans ces conditions-là, il ne fallait évidemment pas s’attendre à les voir l’un et l’autre se tomber un jour dans les bras.
    D’ailleurs, à cette époque, même si Talleyrand commence d’éprouver un réel penchant pour sa nièce Dorothée dont « il adore la grâce et la manière de recevoir », les bras dans lesquels il aime à s’effondrer sont ceux de la charmante Émilie Bigottini.
    La Bigottini ! Elle faisait alors partie de la tribu des meilleures danseuses de l’Opéra et elle en était peut-être la plus belle.
    — Quand elle danse, elle ne retombe pas, elle redescend, disait un de ses nombreux admirateurs.
    — Il semble qu’elle soit née en l’air, que ce soit là son élément naturel, frémissait un autre en la voyant gambader sur la scène.
    Talleyrand avait été séduit par ses mollets nerveux et ses entrechats, il l’avait aussitôt voulue, il l’avait eue.
    Aussi, il cessa un instant de se préoccuper de la déportation de Napoléon vers l’île d’Elbe, de l’arrivée de Louis XVIII le retors, des intrigues, des tripatouillages, de l’Europe dont il allait falloir redessiner les frontières. Chaque chose en son temps.
    Et il savait se garder un temps pour l’amour, pour que le corps exulte.
    — C’est vrai, raconte le Suisse Jean-Gabriel Eynard, qui avait rendez-vous avec lui, un jour, à midi. Quand je suis arrivé à Saint-Florentin, on m’a annoncé que le prince était encore au lit et on m’a fait beaucoup de difficultés à me laisser monter chez lui. Au moment où je suis entré dans son premier salon, j’ai vu une jeune poulette ( sic ) sortir un peu à la hâte de son appartement. Elle paraissait à peine habillée. Pour un ancien évêque, la chose m’a paru édifiante... Ce qui m’a confirmé dans mes soupçons que monsieur de Bénévent n’était pas levé, ce sont les divers valets de chambre qui allaient et venaient pour la toilette de monseigneur. Après trois quarts d’heure d’attente, il est enfin arrivé. Il avait tous ses ordres et était en tenue d’ambassadeur...
    C’est en tenue de ministre des Affaires étrangères qu’il allait bientôt rejoindre Vienne où devait se tenir un congrès propre à remettre les pendules européennes à la bonne heure.
    À l’heure postnapoléonienne, s’entend.
    Charles Maurice avait donc retrouvé ses bureaux de la rue du Bac, et Louis XVIII, sans doute à contrecoeur, avait décidé de l’envoyer dans la capitale autrichienne en qualité de plénipotentiaire.
    Il y arriva le samedi 24 septembre de 1814 à minuit.
    Et en compagnie de Dorothée II, sans son épouse légitime qui aurait fait mauvaise impression car « trop de gens l’avaient déjà vue nue », et sans Dorothée I, la maîtresse en titre d’alors.
    Avant de partir, il avait cru bon d’expliquer à la duchesse de Courlande, la mère, que le charme, « la grâce fascinante et mystérieuse » de sa fille, future duchesse de Dino, serait un atout majeur lors des négociations qui s’annonçaient très âpres.
    On se doute que

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