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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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    — On avait affaire à un petit monstre de quatre pieds, bossu par-devant et par-derrière, bossu comme Polichinelle, rapporte madame de Boigne qui pouvait être un peu pipelette. Son nez était énorme et ses bras d’une longueur démesurée.
    On comprend que Richelieu, qui était un charmeur fort bien fait de sa personne, ne souhaita jamais vivre aux côtés de cette épouse légitime, véritable monument de laideur.
    Ce qui faisait donc le bonheur de Désirée Clary qui n’était pas restée insensible à son beau visage romantique, à ses fins cheveux gris coiffés en anglaises un peu folles.
    — Richelieu, lançait Talleyrand avec ironie, c’est l’homme de France qui connaît le mieux la Crimée, c’est un étranger de l’intérieur.
    Il faisait ici allusion aux vingt années que le parent du cardinal de Louis XIII avait passées à Odessa au service du tsar.
    — Voyez-vous, chère amie, ajoute-t-il en s’adressant à la duchesse de Courlande, nous avons ici un ministère remarquable : le président est russe, et Corvetto, le ministre des Finances est génois. Tout cela pour défendre les intérêts de la France !
    Quand il fut définitivement consterné devant les orientations que prenait ce nouveau gouvernement, il lui resta à grogner :
    — Les émigrés ? Depuis trente ans ils ont tout oublié et ils n’ont rien appris.
    À cet instant de sa disgrâce, Louis XVIII fut même sur le point de l’exiler dans ses terres de l’Indre.
    — Monsieur de Talleyrand, lui dit-il, combien y a-t-il de lieues de Paris à Valençay ?
    Sans broncher, faisant allusion à la fuite en Belgique de son interlocuteur durant les Cent-Jours, la lèvre molle et cynique, Charles Maurice répondit :
    — Sire, il y a quatorze lieues de plus que de Paris à Gand.
    En réalité, le roi ne supportait pas que l’évêque défroqué se vantât en public de lui avoir remis une seconde fois la couronne sur la tête.
    — Oui, songe Charles Maurice, la première fois, c’était déjà désagréable mais la seconde, ce fut inadmissible.
    Convaincu qu’il était peut-être préférable de garder un tel diable à portée de main plutôt que de l’expédier en province où il aurait été fort capable d’être nuisible, le roi décida de lui attribuer la charge de grand chambellan.
    Un os à ronger.
    Gorgé de moelle, cependant, puisque cet os-là allait tout de même lui rapporter quelque 100 000 francs de rente !
    Si Charles Maurice avait rempli ses fonctions au pied de la lettre, il aurait dû signer les chartes royales, garder le lit du souverain et avoir l’oeil sur sa garde-robe ; porter sa bannière en cas de guerre, s’asseoir à ses pieds sur un carreau de velours violet fleurdelisé en cas de lit de justice ; lui présenter sa chemise et ses bottines (s’agissant de Louis XVIII, elles eussent été énormes !) et si enfin Sa Majesté mangeait en chambre, c’était à lui de la servir.
    Il ne fit rien de tout cela, on s’en doute. Il ne se contenta jamais que d’être présent derrière l’épais Bourbon, lors des dîners d’apparat.
    Qui étaient interminables pour l’homme au pied bot, car Louis XVIII n’était pas gros sans raison. Trois ou quatre douzaines d’huîtres de la Manche, un plat de truffes du Piémont, du gibier, « des légumes et des fruits provenant des forêts et des jardins de la Couronne », des pâtisseries dégoulinantes de crème... le roi engloutissait en effet régulièrement une quantité impressionnante de mets au déjeuner de onze heures et il récidivait au dîner donné traditionnellement à dix-huit heures très précises.
    — Car, disait-il, l’exactitude est la politesse des rois.
     
    La charge de grand chambellan lui permettait donc d’avoir ses entrées à la Cour, de pouvoir y observer Louis XVIII, de voir ce qu’il s’y tramait, avec une vigilance fielleuse. De son côté, le roi, tout aussi madré, conservait donc un oeil sur le terrible boiteux.
    Chacun y trouvait son compte.
    Jusqu’au jour où, sans crier gare, Charles Maurice décida de partir pour Valençay qu’il n’avait pas revu depuis huit ans, depuis les adieux aux Espagnols – dont l’amant de sa femme !

Chapitre dix-sept
    Minette
    Ce n’est pas pour aller fomenter un quelconque complot en faveur de Napoléon II, ni vérifier l’état de ses quatre hectares de toiture que Charles Maurice bondit vers son château de Valençay, en février de 1816, c’est parce

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