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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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par des ongles en forme de griffes ».
    Ils étaient bien faits pour s’entendre. Lui, tout en intuition, tout en souplesse. Elle, tout en rigueur, en pure énergie.
    Autrefois, il avait aimé les arrondis de madame Grand et ses talents de femme lascive, mais hors l’alcôve elle ne lui avait rien apporté. Aujourd’hui, c’était différent. Avec Dorothée, et bien qu’elle n’eût pas les hanches aussi pulpeuses et la chute des reins aussi rebondie que celle de Kelly, c’était l’apothéose, la synthèse. Toutes en une ! L’intelligence de madame de Staël, la malice de madame de Flahaut, la perspicacité de madame de Laval, la tendresse de madame de Brionne, la fougue de madame Delacroix, la moiteur américaine de Doudou, la vivacité d’Aimée de Coigny, la nervosité de la comtesse Tyszkiewicz...
    Et la jeunesse qui n’appartenait qu’à elle.
    Aussi l’ex-évêque et député d’Autun, pièce maîtresse du Directoire et du Consulat, ministre de Napoléon I er et devenu serviteur de Louis XVIII, était-il fasciné.
    Avant d’être désespéré.
    Non par les négociations du congrès de Vienne qui, somme toute, après qu’il eut placé subtilement quelques bâtons dans les roues prussiennes et glissé de petites pincées de sable dans les engrenages russes, semblaient s’orienter favorablement pour la France, mais par les travaux d’approche que menait effrontément un grand écuyer de l’empereur d’Autriche auprès de sa belle Dorothée II.
    Il ne se passait pas une soirée, en effet, sans que le nommé Trauttmansdorff ne tournât assidûment autour d’elle, qu’il ne lui fît une cour effrénée.
    Or, le grand écuyer de François II était jeune et beau et il savait danser.
    Il pouvait danser !
    Alors, il arriva fatalement ce qui devait arriver. Un soir, Dorothée ne rentra pas au palais Kaunitz où Charles Maurice avait installé ses pénates.
    Et puis il y eut le jeune comte de Clam-Martinitz, aussi, qui était encore plus sémillant que le grand écuyer et avec lequel elle se disait prête à partir au bout du monde.
    Dorothée entichée de Clam ? Pour la première fois de sa carrière, Charles Maurice fut jaloux.
    Songez qu’on le vit même négliger quelques audiences privées ! Lui qui se faisait pourtant payer si cher le quart d’heure d’entretien !
    — Oui, ronchonnait un mécontent, pour cet ancien évêque, les vases les plus sacrés étaient les pots-de-vin !
    — Allons, tentait de le consoler son ami le prince de Ligne, vous savez bien qu’en amour il n’y a que le commencement qui soit charmant. D’ailleurs je ne m’étonne pas qu’on trouve du plaisir à recommencer si souvent !
    Mais rien n’y faisait. Le chagrin d’amour et les « tourments du désir » lui tenaillaient le coeur et lui fouillaient le ventre. Il se sentait étrangement vieux, incapable de rivaliser avec le beau Clam de vingt-deux ans, cet aide de camp du prince de Schwarzenberg et affidé de Metternich, qui parlait d’enlèvement, qui ne dissimulait pas son projet de s’en aller vivre une histoire torride avec Dorothée dans la principauté de Sagan, là-bas, en Silésie, dès que le congrès de Vienne serait bouclé.
    Si étonnant que cela puisse paraître, c’est Napoléon qui allait contribuer – et bien malgré lui – au rapprochement de l’oncle et de la nièce.
    Napoléon qui débarque le mercredi 1 er  mars de 1815 à Golfe-Juan et qui, dix-neuf jours plus tard, a déjà réintégré son bureau des Tuileries (que Louis XVIII avait abandonné à la cloche de bois !) sans que la plus petite goutte de sang fût versée.
    Le roi a donc quitté Paris à lourde bride abattue pour aller se réfugier en Belgique en attendant des jours meilleurs, et tous ceux qui l’avaient soutenu ou acclamé avaient suivi son exemple : courage, fuyons !
    Dorothée I, par exemple, s’était empressée de prendre la poudre d’escampette à l’annonce du retour de l’Ogre, de l’Usurpateur, du Monstre ou plus simplement de l’Autre.
    Et elle était venue s’installer... à Vienne.
    — Rejoignez-moi, chère amie que j’aime et que j’embrasse, lui avait suggéré Talleyrand, vous ici, nous pourrions aller au Prater dans un de nos vieux carrosses de remise...
    Ah, le Prater ! Ce haut lieu de la folle vie viennoise qui n’était pas sans rappeler les Champs-Élysées, avec « des cafés, des billards, des restaurateurs, des jeux de bagues, des salles de danse, des joueurs de

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