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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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jurés,
al-Nasr et Mohammed Ibn Rustum. Ses qualités de diplomate étaient telles qu’Abd
al-Rahman l’avait envoyé comme ambassadeur à Byzance, mission dont il s’était
acquitté avec brio. Ses adversaires avaient pourtant cherché à le discréditer
en racontant qu’il en avait profité pour exiger de l’impératrice Théodora une
dot pour ses filles. Questionné à ce sujet par l’émir, il s’en était tiré par
une plaisanterie. Oui, il avait obtenu lesdites pensions parce que ce cadeau ne
l’engageait à rien et qu’il trouvait plutôt amusant de voir une Chrétienne
aider des Musulmanes à épouser de riches coreligionnaires. De plus, il n’avait
sollicité aucun salaire pour son ambassade et en avait fait supporter le prix
aux Byzantins. Le souverain, disait-il, avait fait là une belle économie et ses
innombrables serviteurs qui sollicitaient sans cesse des prébendes auraient été
bien inspirés de l’imiter.
    La réflexion avait été médiocrement
appréciée par Yahya Ibn Yahya al-Laithi, qui venait d’exiger une augmentation
substantielle de la rente mensuelle que lui servait le Trésor. Yahya al-Ghazal
lui avait publiquement conseillé de suivre son exemple et d’adresser sa requête
« au calife des Chrétiens à Rome », qui se ferait un plaisir de récompenser
l’attitude bienveillante du fqih envers les Nazaréens de Kurtuba. Cette
réplique avait provoqué le courroux du dignitaire religieux qui, usant de ses
prérogatives, avait déclenché une procédure visant à faire traduire son auteur
devant les tribunaux. Depuis des années, l’affaire attendait, pour être
instruite, l’autorisation du souverain qui prenait un malin plaisir à laisser
planer un doute sur ses intentions. De la sorte, il se conciliait les bonnes
grâces des deux hommes.
    C’est donc avec plaisir que Yahya
al-Ghazal avait vu son ennemi être contraint de faire quasiment amende
honorable envers Abbas Ibn Firnas. C’était le signe indubitable du déclin de
son influence. Un déclin tout relatif car ce redoutable personnage avait encore
assez de pouvoirs pour n’avoir autorisé al-Shi’fa à organiser cette fête qu’à
la condition expresse qu’elle ne serait pas souillée – c’était
l’expression qu’il avait utilisée – par la présence de dhimmis. Et en
effet aucun dignitaire juif ou chrétien n’était là. La princesse avait dû
s’incliner avec regret. Elle avait fait savoir aux intéressés, par
l’intermédiaire de Yahya al-Ghazal, qu’ils seraient prochainement invités à des
réjouissances similaires, auxquelles le monarque assisterait. Sa présence
serait d’autant plus honorifique et gratifiante qu’elle revêtirait un caractère
privé et intime, loin des convenances imposées par le rigide protocole de la
cour. Si les Juifs s’étaient réjouis de cette promesse, les Chrétiens avaient
manifesté une certaine réserve. Leur chef, le comte Isaac, avait paru
embarrassé. Non seulement, il ne s’était pas indigné, comme l’avait fait le nasi (chef) de la communauté juive, de l’ostracisme qui les frappait, mais
il n’avait guère montré d’empressement à répondre positivement à la proposition
d’al-Shi’fa comme si fréquenter des Ismaélites était à ses yeux une corvée
qu’il souhaitait lui être épargnée. Yahya al-Ghazal s’était empressé de
prévenir Abd al-Rahman que cette attitude n’augurait rien de bon et qu’il
redoutait les actes auxquels certains Nazaréens pourraient être tentés de
céder. Cette pensée continuait de l’obséder cependant que la fête touchait à sa
fin.
     

Chapitre XII
    Le comte Isaac, chef de la communauté
chrétienne mozarabe [118] ,
réunit en urgence les prêtres et les principaux notables qui contribuaient,
plus ou moins généreusement, à l’entretien des églises, pour leur annoncer une
nouvelle de la plus haute importance. L’évêque de Sarakusta lui avait écrit
pour le prévenir de l’arrivée prochaine, dans la capitale, du renégat Bodo dit
Eléazar. Pour les Chrétiens les plus endurcis d’Ishbaniyah, ce nom était
synonyme de scandale et d’affliction. Ce redoutable polémiste, disposant de
solides protections à la cour, en particulier celle de Mohammed Ibn Rustum,
n’était pas de père et de mère juifs. Il avait vu le jour en Ifrandja, au sein
d’une famille noble. Comme il était de nature plutôt chétive, le métier des
armes lui était interdit et il était devenu prêtre.

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