Tarik ou la conquête d'Allah
l’odeur du sang, accoururent en masse mais on
vit même les populations conquises par eux se regrouper autour de vieux aigles
romains sortis de leurs cachettes et fournir des contingents de paysans équipés
d’armes dérisoires.
Dans le camp arabe, nul ne semblait
se soucier des préparatifs de l’ennemi. Les guerriers étaient trop occupés à
faire main basse sur les trésors des villes et des églises dont ils s’étaient
emparés. Beaucoup d’entre eux quittaient sans autorisation, pour quelques
jours, les rangs de l’expédition et revenaient, accompagnés de centaines de
captifs expédiés sous bonne garde en Ishbaniyah. Les principaux chefs se
querellaient continuellement et al-Ghafiki avait bien du mal à imposer ses
décisions à ses lieutenants. Il dut menacer de reprendre le chemin du retour
pour que ses officiers se décident enfin à lui obéir. Il était temps car la
belle saison avait cessé. Il pleuvait désormais presque quotidiennement et les
cavaliers, transis de froid, progressaient péniblement dans un environnement
hostile. Les villages étaient déserts et leurs habitants avaient pris soin de
brûler les récoltes et de tuer le bétail qu’ils ne pouvaient emporter avec eux.
Le soir, rassemblés près de grands feux, les membres de l’expédition évoquaient
avec nostalgie la douce chaleur de Kurtuba et maudissaient cette contrée
inhospitalière où aucun d’entre eux n’aurait voulu pour rien au monde habiter.
Les deux armées se rencontrèrent
près de deux villes que les Francs appelaient Poitiers et Tours et dont les
églises regorgeaient de richesses. Six jours durant, elles se firent face sans
s’affronter, chacun s’efforçant de fortifier ses positions et envoyant des
espions évaluer avec précision les forces de l’adversaire. Le début du ramadan
approchait et al-Ghafiki espérait que le courage de ses soldats serait décuplé
par la ferveur entourant habituellement cette période. C’est donc à dessein
qu’il choisit d’engager la bataille le premier jour du jeûne [30] , persuadé que
l’ennemi serait surpris par cette décision. Ce ne fut pas le cas, car des
guetteurs, soigneusement dissimulés, remarquèrent l’agitation régnant au petit
matin dans le camp arabe et donnèrent immédiatement l’alerte.
Aussitôt, les Francs, dans un
concert assourdissant de trompes, se déployèrent dans la plaine, formant une
masse compacte de guerriers harnachés de cottes de mailles ou de pourpoints en
cuir renforcés par des écailles de métal. Armés de longues lances, de lourdes
épées et de haches, ils se protégeaient derrière des boucliers incurvés,
taillés dans un bois dur, solidement assemblés avec des attaches de fer et
ornés en leur centre d’une bosse de métal capable de déchirer les chairs des
assaillants. Depuis deux jours, il n’avait pas plu et le sol sec constituait un
avantage pour les uns comme pour les autres. La cavalerie arabe pouvait
manœuvrer sans problème tout comme l’infanterie franque, même si les soldats
étaient gênés par le poids de leur équipement.
Les cavaliers d’al-Ghafiki
chargèrent en poussant des cris rauques, certains faisant tournoyer au-dessus
de leurs têtes leurs épées recourbées, d’autres décochant des volées de flèches
qui firent des ravages dans les rangs francs. Cependant l’armée de Charles se
reforma rapidement et, en dépit des charges successives, les attaquants ne
purent ouvrir de brèches dans cette épaisse muraille de fer ondulant sous les
coups qui lui étaient portés. Excédé, al-Ghafiki se jeta avec sa garde
personnelle au milieu de la mêlée. Mal lui en prit. Un javelot lui transperça
la poitrine. Azim, qui chevauchait à ses côtés, ordonna qu’il soit ramené sous
sa tente et qu’on cache aux soldats la blessure de leur chef. Les combats
firent rage toute la journée et s’interrompirent à la tombée de la nuit.
Laissant leurs morts sur le terrain, les Francs regagnèrent leur camp, pour se
préparer à un nouvel affrontement le lendemain. Du côté arabe, plusieurs
centaines d’hommes avaient péri mais la détermination des survivants était
intacte. Ils étaient prêts à repartir à l’attaque. Azim, qui s’était couvert de
gloire, était persuadé qu’en attirant l’ennemi au centre de la plaine, il
serait possible, par un mouvement tournant, de couper sa retraite et de le
tailler en pièces.
Il s’apprêtait à proposer aux autres
officiers ce plan
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