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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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audacieux quand Saïd Ibn Kasi, l’air bouleversé, pénétra sous
la tente où ils se trouvaient, et leur annonça qu’al-Ghafiki avait succombé à
ses blessures. Les lamentations qu’on entendait à l’extérieur montraient qu’il
avait pris soin d’ébruiter ce décès auprès de la troupe. Cette annonce provoqua
une véritable panique dans le camp arabe. Désespérés et faute de savoir qui
était maintenant le chef de l’expédition, les soldats n’avaient plus qu’un seul
désir : battre en retraite avec le fruit de leurs rapines pour regagner
leurs foyers. Beaucoup avaient déjà plié bagages et pris la route du Sud. Dans
ces conditions, il était vain d’affronter à nouveau les Francs. Au petit matin,
les soldats de Charles Martel eurent la surprise de constater que l’adversaire
avait disparu, désertant le champ de bataille que les fugitifs appelaient déjà Balat al-shuhada , « Chaussée des martyrs pour la foi ». Charles,
désormais auréolé du prestige d’une victoire qu’il n’avait pas remportée, se
garda bien de se lancer à leur poursuite. Il attendit patiemment que les
envahisseurs aient quitté l’Aquitaine pour fondre sur ce duché et obliger Eudes
à reconnaître son autorité.
    De retour à Kurtuba, Azim, amer et
découragé, dut faire preuve de prudence. Il aurait pu accuser Saïd Ibn Kasi de
traîtrise mais préféra renoncer à ce projet en dépit des pressions exercées sur
lui par ses officiers. Le successeur d’al-Ghafiki, soucieux de poursuivre la politique
d’apaisement de son prédécesseur, ordonna la célébration des noces du chef des
Berbères avec la fille de son rival. Des milliers de Berbères quittèrent les
montagnes où ils avaient élu domicile pour assister aux fêtes grandioses
marquant cet événement auquel furent également conviés les principaux
représentants de la noblesse wisigothe et des familles de muwalladun. Reléguée
avec les femmes dans l’une des ailes du palais, Florinda fit mine de ne point
reconnaître Égilona, la reine déchue. La fille de Julien s’offrit même le
plaisir de demander perfidement, en public, à l’une de ses servantes le nom
cette vieille femme à l’air si triste. Saïd Ibn Kasi s’efforça de faire bonne
figure. Il n’était pas sans savoir que beaucoup le tenaient pour responsable du
désastre de la Chaussée des martyrs pour la foi et il prit soin de faire de
somptueux présents aux principaux chefs arabes, dont la cupidité semblait ne
connaître aucune borne, afin de se concilier leurs bonnes grâces et d’obtenir
leur indulgence.
    Azim savourait son bonheur. Ce
mariage renforçait sa position, lui dont le père avait été exécuté sur ordre du
calife et dont la mère, fille et épouse de roi, avait connu la servitude. Allah
le Tout-Puissant et le Tout-Miséricordieux s’était montré généreux envers son
dévoué serviteur. À peine le mariage célébré, la foi du jeune homme fut
cependant mise à rude épreuve. En effet, quand, taraudé par la curiosité, il
demanda à son épouse pourquoi elle haïssait tant l’auteur de ses jours, Latifa
lui confia qu’elle tenait son père comme un traître à son pays et à sa foi. Non
content de se rallier aux conquérants, il avait été le premier des siens à
embrasser leur religion et à exécuter docilement le moindre de leurs ordres.
Comprenant l’étonnement d’Azim, elle lui expliqua qu’elle était certes
musulmane de naissance mais que sa mère l’avait secrètement fait
baptiser – elle et non point son frère Othman. La fille de Florinda
pratiquait donc en secret le culte de ses ancêtres tout en prenant soin
d’observer en public les préceptes du Coran. Cet aveu, qui aurait pu lui coûter
la vie, fit comprendre au jeune homme que sa femme l’aimait car, pour rien au
monde, elle n’aurait jamais confié un secret aussi dangereux à un homme dans
lequel elle n’aurait pas eu entièrement confiance. Cette révélation, à laquelle
il décida de n’attacher aucune importance, lui prouva qu’il faudrait encore
beaucoup de temps pour que la parole du Prophète règne sur la perle du Dar
el-Islam, l’Ishbaniyah.
    Si son mariage fut heureux – il
eut trois fils et deux filles –, Azim dut continuellement se battre pour
conserver ses biens et ses privilèges. Dans les années qui suivirent ses noces,
les Berbères furent en effet les victimes indirectes des incessantes rivalités
entre Arabes kaisites et yéménites dont les

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