Tarik ou la conquête d'Allah
propos de son interlocuteur et conclut :
« Rien ne le fera changer d’avis. Tu n’obtiendras rien de lui
pacifiquement, c’est un fou qui court à sa perte. Il faut en finir une bonne
fois pour toutes avec cet orgueilleux qui dédaigne les avertissements de la
Providence. »
À la veille de la rencontre des deux
armées près de la grotte de Santa Maria, dans un lieu appelé Covadonga, Pelayo
annonça à ses hommes que la Vierge lui était apparue en rêve et lui avait
annoncé que Dieu avait entendu ses prières. L’orage qui éclata peu après fut
interprété comme un signe du ciel. Au petit matin, dissimulés sur les hauteurs,
les Wisigoths laissèrent les Arabes s’avancer à travers l’étroit défilé menant
à la grotte. Au signal de leur chef, ils firent rouler des rochers de manière à
bloquer l’accès de la passe et criblèrent de flèches l’ennemi pris au piège.
Rares furent ceux qui échappèrent à ce carnage. Parmi les survivants figurait
l’archevêque Oppas, que Pelayo envoya dans un monastère expier par la prière et
la mortification ses nombreux crimes. La nouvelle de cette victoire se répandit
dans tout le pays et des centaines de Chrétiens prirent la route du Nord pour
se réfugier dans les régions contrôlées par le roi rebelle. Ils devaient
voyager de nuit afin d’éviter les patrouilles arabes lancées à leur poursuite
qui massacraient sans pitié les fugitifs ou les expédiaient en Orient pour y
être vendus comme esclaves.
Fou de rage, al-Kalbi décida de
prendre sa revanche et d’attaquer à nouveau l’Ifrandja. La garnison de Narbuna
reçut de nombreux renforts et remonta la vallée du Rhône sans rencontrer de
résistance. Après avoir pillé la Bourgogne, elle se dirigea vers l’est, dans
une région dont le rude climat effraya ses hommes [29] qui supplièrent leur
chef de rebrousser chemin et obtinrent satisfaction. Au même moment s’éteignait,
à Kurtuba, Tarik Ibn Zyad. Le vieux chef berbère, connu pour sa générosité, fut
inhumé, en présence d’une foule immense, dans le cimetière aménagé par ses
soins au-delà du pont romain et connu sous le nom de makbarat al-Rabad,
« cimetière du faubourg ». Reclus dans son palais, son héritier
Azim, reçut les condoléances de nombreuses délégations. Avec la mort de Tarik,
une page d’histoire se tournait et les Berbères craignirent pour leur position.
Leur protecteur disparu, ils redoutaient que les Arabes ne cherchent maintenant
à s’approprier leurs terres. En fait, Kaisites et Yéménites étaient trop
occupés à intriguer pour imposer durablement l’un des leurs à la tête de
l’Ishbaniyah. En six ans, pas moins de cinq titulaires se succédèrent au poste de
wali : Udhra Ibn Abdallah al-Firhi, Yahia Ibn Salama al-Kalbi, Othman Ibn
Abdallah al-Khatami, al-Haitham Ibn Ubaid al-Kilabi et Mohammad Ibn Abdallah
al-Ashdja’i.
Excédé par ces changements, le
calife Hisham nomma gouverneur de ses lointaines possessions l’un de ses
favoris, Abd al-Rahman Ibn Abdallah al-Ghafiki. Quand il s’installa à Kurtuba,
la cité était en pleine ébullition. De violents incidents avaient éclaté entre
Musulmans et Chrétiens à propos de la construction d’une nouvelle église dans
les environs de la ville. De nombreux Nazaréens s’étaient en effet installés
hors de l’enceinte, assez loin pour qu’il leur fût impossible de se rendre, le
dimanche, assister à la messe dans l’un des sept lieux de culte qu’ils avaient
été autorisés à conserver. Leur chef, le comte Ardabast, avait pris sur lui de
faire édifier une modeste chapelle sur un terrain lui appartenant. Bientôt, les
fidèles affluèrent par centaines, rendant nécessaires des travaux
d’agrandissement. L’affaire en serait restée là si Saïd Ibn Kasi n’avait
hautement protesté. En fait, le renégat agissait sous l’emprise de son épouse,
la fameuse Florinda. En s’attaquant à Ardabast, la fille de l’exarque Julien se
vengeait indirectement sur lui de l’affront que lui avait infligé son frère,
Akhila. L’évêque tenta en vain de ramener la malheureuse à de meilleurs
sentiments, faisant appel à sa qualité de Chrétienne et la suppliant de ne
point mettre en danger ses coreligionnaires. Elle s’y refusa et exigea même de
Saïd Ibn Kasi qu’il fasse preuve d’autorité en l’absence du gouverneur. Un
dimanche, la foule qui sortait de la messe fut attaquée par les soldats de la
garnison qui
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