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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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mirent le feu à l’église. En représailles, les Chrétiens de
Kurtuba envahirent les rues habitées et saccagèrent boutiques et maisons avant
d’être dispersés par la garde. Depuis ces tragiques événements, les deux
communautés vivaient dans un état de perpétuelle tension et la vie économique
de la cité était quasi paralysée puisque chacun demeurait cloîtré dans son
quartier.
    Dès son entrée en fonction,
al-Ghafiki réunit les principaux dignitaires musulmans, qu’ils fussent Arabes,
Berbères ou muwalladun, pour leur faire part de son mécontentement.
    — Le calife m’a ordonné de
poursuivre le djihad et de conquérir l’Ifrandja. Comment voulez-vous que je
mène à bien cette mission si vous n’arrivez pas à vous entendre dans cette
province ?
    Saïd Ibn Kasi tenta d’expliquer
qu’en édifiant cette église, Ardabast avait outrepassé la loi et que tolérer
pareille audace créerait un précédent lourd de conséquences. Azim Ibn Zyad
éclata bruyamment de rire :
    — J’admire ta piété et ton zèle
religieux. Quel dommage que tu n’aies pas cherché à poursuivre dans cette
voie !
    — Qu’entends-tu par-là ?
    — Ton épouse, Florinda, a fait
construire dans votre résidence d’été une église pour y faire ses dévotions. Tu
étais sans doute trop occupé par les devoirs de ta charge pour sévir contre
cette violation de la loi et je suis persuadé que tu auras à cœur de réparer
cet oubli. Je te plains car ta femme, pour te punir, risque fort de t’interdire
l’accès de sa chambre.
    Un rire gras secoua l’assistance et
Saïd Ibn Kasi, publiquement humilié, chercha à mettre en difficulté son
contradicteur :
    — Azim, ta mère est chrétienne
si je ne m’abuse. Je serais bien curieux de savoir si ta demeure ne dissimule
pas une chapelle.
    — Tu peux fouiller ma maison
qui fut celle de notre bienfaiteur, Tarik Ibn Zyad. Égilona le respectait trop
pour solliciter de sa bienveillance pareil passe-droit qu’il lui aurait
d’ailleurs sans doute accordé. Elle se rend chaque jour en ville prier au
milieu des siens dans des églises trop exiguës pour les recevoir tous.
    — S’ils veulent tant adorer
Dieu, qu’ils se convertissent à notre foi, tonna un Yéménite.
    — Tu oublies, rétorqua Azim, la
parole de notre saint Prophète, sur Lui la bénédiction et la paix :
« Si le Seigneur l’avait voulu, tous les habitants de la terre auraient
cru. » Peux-tu contraindre les hommes à être des croyants, alors qu’il
n’est donné à une âme de croire qu’avec la permission d’Allah ?
    Amusé par cette joute oratoire,
al-Ghafiki sentit cependant qu’il était temps d’intervenir :
    — Songez, mes amis, à ce que
nous deviendrions si tous ces Infidèles abandonnaient leur foi et cessaient de
verser les taxes qu’ils acquittent en leur qualité de dhimmis. Où trouverais-je
l’argent pour vous combler de bienfaits en récompense de vos bons et loyaux
services ? Néanmoins, si telle est votre volonté…
    Un concert de protestations se fit
entendre. Il n’était pas question de se priver d’une pareille source de
revenus. Rasséréné, le wali poursuivit :
    — Je suis attristé de voir des
personnes que j’estime se quereller pour si peu.
    — Que suggères-tu ?
demanda Saïd Ibn Kasi.
    — Il importe tout d’abord de
rétablir l’ordre en accordant une amnistie à tous ceux qui ont trempé dans
cette affaire. S’agissant de l’église qui a été détruite, je veux qu’elle soit
reconstruite aux frais des Chrétiens et que ceux-ci, en signe de bonne volonté,
nous donnent les terrains jouxtant la mosquée principale et qui appartiennent à
un de leurs monastères. De la sorte, nul ne transgressera la loi. Il s’agira
d’un simple échange. Enfin, j’ordonne à Saïd Ibn Kasi et à Azim d’organiser
ensemble une grande fête en mon honneur afin que tous sachent qu’ils ont oublié
leurs vieux griefs et qu’ils sont désormais comme des frères. Mieux, à cette
occasion, nous célébrerons les fiançailles d’Azim avec la fille de Saïd et
j’espère que ces enfants donneront à leurs lignages respectifs de preux et
vaillants guerriers.
    Azim demeura interloqué. Il savait
que son rival avait une fille, Latifa, que la rumeur publique affirmait être
plus belle que sa mère Florinda. Jamais il n’aurait songé à demander sa main
tant leurs familles se vouaient une haine farouche. Lui-même ne pouvait oublier
les

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