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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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regretter.
    — Je suis
sans illusion. Le royaume de mon grand-père était condamné à disparaître en
raison des intrigues qui se tramaient à la cour. Dieu a voulu nous punir de nos
divisions et nous n’en avons tiré aucune leçon. Moi-même, j’ai dû m’exiler
quand mon oncle Ardabast s’est emparé de mon héritage. Son frère, Akhila, ne
s’est guère mieux comporté. C’était un ambitieux qui ne songeait qu’à ses
propres intérêts et était incapable de sentiments élevés. Il l’a d’ailleurs
prouvé en refusant d’épouser Florinda, sa fiancée, la fille de l’ancien
gouverneur byzantin de Septem, sa propre cousine et la mienne par conséquent.
    — Qu’est-elle
devenue  ?
    — Mon cher
Badr, pour un comploteur, tu es bien mal informé ! Florinda a épousé le comte Fortunius, qui s’est converti à votre
foi, et sa fille Latifa a épousé Azim Ibn Zyad, fils de la reine Égilona et
d’Abd al-Aziz Ibn Nosayr, que Tarik Ibn Zyad, le véritable conquérant de ce
pays, a adopté. J’ai eu l’occasion de rencontrer Latifa. C’est une femme
remarquable et elle exerce une grande influence sur son mari qui est le chef
incontesté des Berbères. Ces derniers subissent les humiliations de Youssouf
al-Fihri. Tu as en eux des alliés potentiels si tu es capable de leur prouver
qu’un Arabe ne hait pas forcément les Berbères.
    Badr sortit de cette entrevue
perplexe. La manière dont Sara lui avait parlé de Latifa l’avait surpris. Entre
les deux femmes existait un vieux contentieux familial et, pourtant, l’une et
l’autre avaient sympathisé. Pour quelle mystérieuse raison ? Il n’eut
guère le temps d’approfondir cette question tant il lui pressait de rencontrer les
différents interlocuteurs que lui avait désignés la veuve Isa Ibn Muhazim. Dans
une lettre adressée à Abd al-Rahman, il lui indiqua que si jamais il montait un
jour sur le trône d’Ishbaniyah, il le devrait à une Chrétienne dont le nom
agissait comme un talisman. Partout où il se recommanda d’elle, Badr fut
accueilli et écouté avec attention. Ubaid Allah Ibn Othman et Azim Ibn Zyad lui
promirent de se rallier à son maître et lui offrirent en signe d’allégeance de
somptueux présents et de fortes sommes d’argent.
     
    Badr envoya alors un nouveau message
à Abd al-Rahman, l’avertissant de son prochain retour et lui recommandant de se
préparer au départ. Dès qu’il eut connaissance de cette lettre, le jeune prince
omeyyade passa ses journées sur le quai du port de Tingis, attendant avec
impatience l’arrivée de son conseiller. À ses côtés se tenaient le médecin
al-Walid al-Madhidji et le devin juif Obadiah Ben Benjamin venu de Kairouan. En
arrivant, ce dernier lui avait dit d’un ton enjoué :
    — Je suppose que ma présence t’intrigue.
    — Connaissant tes dons, je suis
convaincu qu’elle est un signe du ciel. Tu n’aurais pas parcouru une aussi
longue route si tu n’étais pas assuré du succès de mon entreprise.
    — J’avais donc bien raison de
te conseiller de quitter Kairouan et tu avais tort d’y voir de ma part une
manœuvre ourdie à l’instigation de son gouverneur.
    — Ne parlons plus du passé. À
mon tour de t’interroger : quelle sera l’attitude de tes frères envers
moi ?
    — J’ai appris qu’Azim Ibn Zyad
avait pris fait et cause pour toi. Son père adoptif fut notre libérateur et les parnassim, les « chefs de nos communautés », obéiront à ses
ordres et lui fourniront l’argent dont il a besoin pour équiper ses troupes. Tu
décideras ensuite de la manière la plus appropriée de récompenser leur zèle.
    — Quelle serait-elle, selon
toi ?
    — Que rien ne soit changé à
notre statut.
    — C’est-à-dire ?
    — En tant que dhimmis, nous
sommes astreints au paiement annuel de la djizziya, la
« capitation ». Elle est de quarante-huit dirhams pour les riches,
vingt-quatre dirhams pour les artisans et les commerçants, et de douze dirhams
pour les gens du peuple. Les enfants, les femmes et les esclaves en sont
exemptés. De plus, ceux d’entre nous qui ont des terres doivent s’acquitter du kharadj, un impôt foncier payable en nature. C’est un juste prix pour la
protection que vous nous accordez en retour. Mes frères sont toutefois
inquiets. Tu auras besoin d’argent pour financer tes campagnes et tu seras sans
doute tenté d’augmenter les impôts auxquels nous sommes soumis ce qui nous
placerait dans une situation

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