Tarik ou la conquête d'Allah
Tarik Ibn Zyad à s’emparer de l’Ishbaniyah.
Ce même Tarik a adopté Azim, le petit-fils de son supérieur Moussa Ibn Nosayr,
qui est devenu le chef incontesté des Berbères de la péninsule et a épousé
Latifa, la fille de Florinda, dont on murmure qu’elle est secrètement
chrétienne. Les uns et les autres détestent aussi bien al-Sumayl que Youssouf
al-Fihri et si ces derniers refusent de t’aider, tu pourras toujours t’appuyer
sur leurs ennemis.
— Devin, tu me promets monts et
merveilles mais j’ai, à mon tour, deviné ton jeu. En fait, tu obéis à ton
maître, le wali d’Ifriqiya, qui cherche à m’éloigner de Kairouan car il craint
la vengeance d’al-Saffah.
— Tu n’as pas tort mais, comme
tous ceux qui n’ont pas le don de lire dans l’avenir, tu n’entrevois qu’une
infime partie de la vérité. Tu supposes que je veux te chasser de cette ville
alors que je t’offre la possibilité d’accomplir ta destinée. À toi de voir ce
qui sied le plus à tes ambitions.
Après avoir fiévreusement discuté
avec Badr, Abd al-Rahman se résolut à quitter discrètement Kairouan avec
quelques fidèles. Par petites étapes, il gagna Tahart [35] où il tomba
gravement malade. Il survécut à de forts accès de fièvre grâce aux soins d’un
médecin local, al-Walid al-Madhidji, qui se prit d’affection pour ce patient
peu ordinaire, à la fois docile et méfiant. Il dut user de persuasion pour le
convaincre que les potions qu’il lui administrait n’étaient pas empoisonnées.
Entre les deux hommes, un climat de confiance finit par s’établir et al-Walid
al-Madhidji suivit le jeune prince quand, définitivement rétabli, Abd al-Rahman
se rendit chez les Berbères nefaza installés près de l’ancienne Septem.
Ses lointains parents offrirent
l’hospitalité au fils de Rah. Quelques anciens de la tribu se souvenaient de
cette belle femme qu’un gouverneur de l’Ifriqiya avait remarquée et envoyée à
Damas, où elle avait épousé l’un des fils du calife Hisham. Elle n’avait
d’ailleurs pas oublié les siens, leur faisant parvenir d’importantes sommes
d’or et d’argent, ce qui leur avait permis d’acheter terres et troupeaux. Abd
al-Rahman fut donc bien accueilli. Toutefois, ils refusèrent de s’embarquer
avec lui pour l’Ishbaniyah. Satisfaits de leur sort, ils n’avaient aucune envie
de quitter leurs domaines pour s’aventurer dans un pays où les leurs
subissaient discriminations sur discriminations. Leur décision plongea le jeune
homme dans le désespoir. Un royaume était à portée de sa main et il n’avait pas
les moyens de le conquérir. Durant de longues semaines, il resta prostré sous
sa tente, s’alimentant à peine et refusant de voir ses proches.
Excédé par ce comportement qu’il
jugeait indigne du petit-fils d’Hisham, Badr brava l’interdit et se rendit
auprès du prince :
— Seigneur, je suis né esclave
et je te dois la liberté. Laisse-moi te parler comme un père à son fils. Tu te
conduis comme un gamin capricieux. Lorsque tu étais enfant, je m’en souviens,
tu trépignais de rage si l’on ne te donnait pas immédiatement satisfaction. Les
années ont passé et rien n’a changé. Combien de temps encore vas-tu rester muré
dans ton orgueilleuse solitude ? Tu dois réagir d’autant que j’ai de
grandes nouvelles à t’apprendre.
Une faible lueur d’intérêt s’éveilla
dans l’œil du jeune prince. Badr en tira profit :
— Je me suis permis d’agir à ta
place puisque tu en étais incapable. J’ai écrit une lettre en ton nom aux
commandants des djunds syriens d’Ishbaniyah dans laquelle je leur disais :
« Je connais votre fidélité à la lignée dont je suis issu et j’entends
bien la récompenser quand je serai installé à Kurtuba. Toutefois, je viendrai
uniquement si cette entreprise a une chance de succès. Pour cela, vous devez
vous engager à vous ranger sous la glorieuse bannière blanche des Omeyyades,
successeurs du Prophète, sur Lui la bénédiction et la paix ! » Yahia
Ibn Bukht, le chef du djund de Kinnasrin, m’a répondu. Voilà son message :
« Au très illustre Abd al-Rahman Ibn Moawiya. Des voyageurs nous avaient
déjà informés de ta présence en Ifriqiya. Gloire soit rendue à Allah le Tout-Puissant
et le Tout-Miséricordieux, de t’avoir permis d’échapper aux tueurs d’al-Saffah.
Ce que tu demandes exige réflexion. J’ai parlé à ceux de mes officiers en qui
j’ai toute
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