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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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jardins verdoyants et ceux-ci
servaient d’écrin à un vaste palais qui faisait l’admiration de tous. Al-Rusafa
était le lieu de séjour préféré des Omeyyades et l’émir en conservait un
souvenir attendri. Il ne se sentait pas à l’aise dans le Dar al-Imara, sa
résidence de Kurtuba. Ce vieux palais lui déplaisait en dépit des nombreux
aménagements auxquels il avait procédé au fil des années. Les murs avaient été
ajourés pour laisser la lumière pénétrer dans ses appartements et il avait fait
aménager une terrasse sur le toit, pour pouvoir s’y installer, à l’abri d’une
tente bédouine, lors des fortes chaleurs de l’été.
    À ses yeux, le Dar al-Imara n’avait
qu’un avantage. Il était situé à proximité de la grande mosquée où il se
rendait chaque vendredi pour diriger la prière. Toutefois, le bâtiment se
trouvait en pleine ville et les bruits de celle-ci troublaient sa quiétude.
Faute d’argent, il s’était résigné à supporter ces inconvénients. La forte
amende imposée aux habitants d’Ishbiliya lui donnait les moyens de s’en
affranchir. Il convoqua les meilleurs architectes du pays, dont l’un, par
chance, s’était rendu en Orient et avait visité al-Rusafa, abandonnée mais
encore intacte. Il lui donna un an pour en construire l’exacte réplique à
Kurtuba. Des milliers d’artisans et d’esclaves capturés lors d’une campagne
contre les Chrétiens du Nord travaillèrent nuit et jour pour faire surgir de
terre cette véritable merveille à la date fixée.
    Amr Ibn Zyad, présent en ce jour
mémorable, observait avec amusement le maître de l’Ishbaniyah. L’émir allait de
pièce en pièce, caressant le marbre des colonnes. Il inspecta soigneusement le
bon fonctionnement des fontaines, puis passa de longues heures dans les vastes
jardins entourant la propriété. Quand Amr, inquiet de son silence, se risqua à
lui demander s’il se sentait bien, Abd al-Rahman lui sourit :
    — Tu es un vieil ami et
j’apprécie que tu te préoccupes de moi. Tu n’as aucune raison de t’inquiéter.
Je renoue avec le bonheur de mes jeunes années. Vois-tu ce palmier ? Il me
rappelle ceux qui poussent en Syrie et j’étais en train de composer un poème à
son sujet.
    — Pardonne mon audace mais je
serais très honoré d’entendre de ta bouche les vers que tu as composés.
    — Les voici :
     
    Je contemplai un palmier, en
al-Rusafa,
    Dans l’Occident lointain, séparé
de sa patrie.
    Je lui dis : « Tous
deux, nous sommes en terre étrangère.
    Que de temps ai-je vécu séparé
des miens ?
    Tu as grandi dans un pays où tu
fus transplanté
    Et, comme moi, le fond reculé du
monde tu habites.
    Que, dans ton exil, les nuages de
l’aube t’accordent la fraîcheur
    Et que te consolent les
abondantes pluies. »
     
    — Noble seigneur, ce sont là
des paroles que je me garderai bien d’oublier et je formule pour toi les mêmes
vœux. Je comprends ta joie et ton amertume ou du moins, ta nostalgie. Je
penserais de même si les rigueurs de l’existence me conduisaient à trouver
refuge dans un autre pays. Puis-je te poser une question ?
    — J’ai toujours apprécié ta
franchise, Amr.
    — Tu es notre monarque bien
aimé et l’un de tes fils sera appelé un jour à te succéder. Je souhaite que son
fils et les petits-fils de celui-ci montent à leur tour sur le trône
d’Ishbaniyah. Ce pays est le leur comme il est le tien aujourd’hui. Pourquoi
t’y sens-tu étranger ?
    — Tu me poses là une question
difficile. Après ma fuite de Syrie, j’ai erré en Palestine, en Egypte et en
Ifriqiya. Pour rien au monde, je ne m’y serais installé. Ces contrées me
paraissaient hostiles et dépourvues de charme. Je me suis ennuyé à périr chez
les Nefaza, en dépit de la généreuse hospitalité qui me fut prodiguée. Ne te
méprends pas sur mes paroles. J’aime les Berbères. C’est le peuple de ma mère.
Mais je suis aussi et surtout arabe. Dès que j’ai posé les pieds en Ishbaniyah,
j’ai compris que j’étais arrivé dans l’endroit que m’avait désigné Allah.
J’aime sincèrement ce pays et pas uniquement parce que je règne sur lui. J’y ai
trouvé la paix, toute relative, et des amis chers à mon cœur. Kurtuba a
beaucoup de défauts mais je suis sûr qu’un jour cette cité sera l’une des plus
belles du monde. J’ai parcouru l’ensemble de mes domaines et, à chaque instant,
j’étais réellement émerveillé par ce que je

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