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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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d’al-Hakam. Les
propos de son interlocuteur lui firent comprendre que de graves événements se
préparaient :
    — À quoi dois-je l’honneur de
te recevoir sous mon toit ?
    — Amr, tu es l’homme le plus
respecté de ce pays et tous ont regretté ta disgrâce injustifiée. Tu ne
méritais pas pareil traitement.
    — Tout cela appartient au
passé. Je vis depuis des années loin de la cour et, chaque jour, je m’en
félicite. Je peux me consacrer à mes domaines et aux membres de ma tribu.
    — Kurtuba ne te manque
pas ?
    — Absolument pas.
    — Tu manques à Kurtuba où tu as
plus de partisans que tu ne le crois. C’est pour cela que je suis venu
solliciter tes conseils. Le Rabad s’agite. Ses habitants en ont assez de payer
des taxes qui ne leur laissent rien pour vivre décemment. Le trône vacille et
al-Hakam ne se rend compte de rien. Il mène notre pays à sa perte et nous
sommes plusieurs à vouloir éviter ce drame.
    — De qui parles-tu ?
    — De deux des fils de feu
l’émir Abd al-Rahman, Maslama et Umaiya, de moi-même et du fqih Yahya Ibn
Mudar.
    — Je le connais. C’est un agité
auquel son séjour en Orient a tourné la tête.
    — C’est un Berbère comme
toi !
    — La belle affaire ! Il
s’amuse à singer les hypocrites de Damas et de Bagdad qui déforment les paroles
du Prophète.
    — Il t’estime beaucoup et pense
que tu pourrais nous aider.
    — Noble prince, je respecte ta
vaillance et ton courage, nous avons à maintes reprises combattu ensemble.
Certains veulent abuser de ta générosité. Crois-tu que les deux fils d’Abd
al-Rahman te laisseront monter sur le trône, toi qui en es le plus digne, quand
ils auront assassiné l’émir ? Ils ne songent qu’à eux et opprimeront
encore plus le peuple. Al-Hakam a ses défauts mais c’est un bon souverain même
s’il est mal entouré. Je te donne un seul conseil : vas le voir et
informe-le du complot qui se prépare. Il t’en sera reconnaissant.
    — J’en doute. Vois comment il a
agi avec toi, le plus loyal de ses serviteurs.
    — Demande à mon fils Marwan de
t’arranger une audience avec le souverain. Quand il saura que tu viens de ma
part, tu pourras constater que toi et les tiens n’avez rien à craindre.
    — Amr, je devine que ta
disgrâce n’est qu’apparente. Je te remercie de m’avoir évité de commettre une
folie.
    Un matin, un enfant traversa le pont
en hurlant de terreur. C’était un petit mendiant qui se levait aux premières
lueurs de l’aube pour se poster à l’entrée de la ville et quémander de quoi
nourrir sa famille. Son récit glaça le sang de tous ceux qui l’écoutèrent. Dans
la nuit, tout le long du Rasif, la chaussée édifiée le long du fleuve
jusqu’à l’esplanade d’al-Musara, soixante-douze croix avaient été dressées et,
sur elles, avaient été cloués les soixante-douze cadavres des membres de la
conjuration, dont Maslama, Umaiya, Yahya Ibn Mudar et le fils du sahib al-suk,
Mohammed Ibn Anwar. La foule se porta en masse contempler le macabre spectacle
et commenta longuement l’événement.
    De retour à Kurtuba, puisqu’il
n’avait plus besoin de simuler sa disgrâce, Amr Ibn Zyad s’entretint longuement
avec al-Hakam. Il savait qu’il lui restait très peu de temps à vivre et il voulait
l’utiliser pour faire d’ultimes recommandations à l’émir. Celui-ci reçut son
vieux conseiller dès qu’il fut informé de sa présence dans sa capitale. Les
deux hommes se connaissaient trop pour ne pas se parler franchement :
    — Noble seigneur, tu as agi vite
et bien en étouffant dans l’œuf la conjuration.
    — À quel prix ! N’oublie
pas que, jadis, tu m’as reproché la Journée de la fosse.
    — Un monarque ne doit pas avoir
de scrupules quand il s’agit de protéger un trône qui est légitimement le sien
et dont il a su se montrer digne. Tu ne pouvais pas agir autrement. Cela dit,
il est nécessaire que tu prennes certaines précautions car, tôt ou tard, les
habitants du Faubourg chercheront à se venger.
    — Que me recommandes-tu ?
    — J’ai fait le tour de la ville
et ce que j’ai vu m’inquiète. J’ai noté de nombreuses brèches dans la muraille,
notamment dans la partie nord de l’enceinte, que tu as tout intérêt à faire
réparer.
    — Quoi d’autre ?
    — Tu vis dangereusement.
    — Qu’entends-tu par là ?
    — Imagine un seul instant qu’une
émeute éclate à Shakunda. Les rebelles pourront

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