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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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suis ici non
pas en tant que chef de ma communauté, mais comme envoyé par les notables du
Rabad.
    — Ils n’ont à attendre aucune
pitié de ma part. Voilà des années qu’ils bravent mon autorité et fomentent
révolte sur révolte. Je veux extirper ce chancre et j’ai l’intention de faire
passer toute la population au fil de l’épée, du nourrisson au vieillard. Pas un
seul n’en réchappera.
    — Permets-moi d’implorer ta
clémence. Il est juste que les coupables soient punis. Mais répandre
inutilement le sang des innocents est un péché dont ton Dieu te demandera
compte un jour. Ta propre famille en a fait la triste expérience sous le règne
d’al-Saffah. Ton vénérable grand-père, Abd al-Rahman, s’en souvenait et a su
faire taire, quand cela était nécessaire, ses ressentiments. Tu es un monarque
respecté et admiré par beaucoup de tes sujets. Songe à ce que diront de toi les
générations futures si tu mets à exécution tes projets.
    — Marwan m’avait prévenu que tu
me tiendrais ces propos et je vais réfléchir. Tu sauras sous peu ce que j’ai
décidé.
    Le lendemain, des crieurs, protégés
par une imposante escorte, parcoururent les rues du Faubourg pour communiquer
la sentence d’al-Hakam. Ils lurent une liste de trois cents notables condamnés
à mort. Si l’un d’entre eux refusait de se rendre, un membre de sa famille, son
père ou son fils aîné, serait choisi à sa place. Les autres habitants avaient
droit à la vie sauve, à condition de quitter, dans un délai de trois jours, le
Rabad dont toutes les maisons seraient rasées. Quant à leurs biens, ils étaient
confisqués au profit du Trésor public. La communauté juive devrait, elle aussi,
abandonner ses demeures, mais, en raison de son loyalisme, l’émir prenait à sa
charge sa réinstallation dans un quartier situé à l’intérieur de l’enceinte.
    Sitôt la nouvelle connue, les
habitants s’empressèrent d’abandonner leurs foyers et partirent, en longues
colonnes, en direction du nord ou du sud. La plupart avaient décidé de chercher
refuge à Tulaitula, d’autres s’embarquèrent à al-Munakab pour l’Ifriqiya. Ils
s’installèrent à Fès, la ville fondée par Idriss I er , dont le fils
avait compris tout le profit qu’il tirerait de l’arrivée d’artisans
expérimentés et d’habiles commerçants. Les trois cents notables furent
crucifiés, à l’exception de deux d’entre eux, restés introuvables, Yahya Ibn
Yahya al-Laithi et Talut Ibn Abd al-Djabbar. Quelques mois plus tard, le hadjib
Abd al-Karim Ibn Mughit conduisit les deux hommes devant al-Hakam :
    — Noble seigneur, je te livre
ces deux traîtres qui ont eu l’audace de se présenter chez moi pour solliciter
l’asile.
    — Je t’en remercie.
    Se tournant vers Talut, al-Hakam lui
demanda d’un ton rogue :
    — Je savais que tu
n’échapperais pas aux recherches de mes gardes. Quel homme a été assez impudent
pour oser braver mes édits et vous cacher pendant tout ce temps ? Parle.
Si tu restes silencieux, mes bourreaux sauront te faire avouer.
    — Le coupable est l’un de tes
sujets les plus loyaux et nous l’avons à tort longtemps considéré comme un
pourceau qui ne méritait pas de vivre.
    — Qui est-ce ?
    — Itshak Ibn Jacob. Il nous a
cachés dans sa synagogue et, quand le Rabad a été rasé, il nous a fait sortir
avec les siens. Nous vivions dans sa nouvelle demeure où il avait fait aménager
un oratoire pour que nous puissions y prier. Fais nous exécuter, ce serait
justice. Nous te demandons une simple faveur : de lui accorder la vie
sauve. Il s’est montré infiniment plus généreux que ton hadjib, qui est
pourtant notre frère en Allah.
    Al-Hakam resta silencieux. Puis, la
voix tremblante d’émotion, il s’adressa à l’assistance :
    — Je vous prends vous tous à
témoins de cet événement. Un dhimmi a risqué sa vie et celle de sa communauté pour
sauver deux Musulmans qui n’avaient cessé de les accabler d’insultes et de
demander leur expulsion de Kurtuba. S’est-il trouvé parmi vous un seul disciple
du Prophète pour s’exposer à un tel danger ? Aucun. Abd al-Karim n’a pas
craint de me livrer ces traîtres qui étaient jadis ses amis sans même chercher
à intercéder en leur faveur. Il a cru sincèrement me servir. Pourtant, je ne
lui en sais pas gré. Se serait-il trouvé quelqu’un parmi vous pour m’offrir
l’hospitalité si les émeutiers s’étaient emparés

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