Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
Vom Netzwerk:
scandalisa les
fidèles qui le soupçonnaient de quitter la ville pour rompre en secret
l’abstinence imposée à tout Musulman. Beaucoup se souvenaient que son père,
Hisham, pour dissiper les calomnies courant sur son compte, avait juré de ne
jamais traverser le pont hormis pour guerroyer contre les Infidèles ou défendre
ses sujets. Son fils, lui, n’avait pas de tels scrupules et il fut conspué par
la foule. Plus grave encore, quelques excités se saisirent de tout ce qu’ils
trouvaient, pierres, légumes ou fruits, pour les jeter sur le cortège qui
reflua au grand galop vers le pont et le Dar al-Imara, suivi par les émeutiers
saisis de folie qui entreprirent de donner l’assaut au palais.
    Présent sur les lieux, Marwan Ibn
Amr Ibn Zyad fut frappé par la froide détermination du souverain, de son hadjib [83] , Abd al-Karim Ibn Mughit, et de son secrétaire, Futais Ibn Suleïman. Dès qu’il
avait été averti du déclenchement de l’émeute, Abd al-Karim avait envoyé le
neveu de l’émir, Ubaid Allah, et l’un de ses cousins, Ishak Ibn al-Mundir,
rassembler les cavaliers et les gardes dispersés en ville. Les deux jeunes
princes avaient pris la tête de ces troupes et gagné la bab al-djedid ,
« Porte neuve », où ils avaient pu traverser le fleuve à gué. Pendant
ce temps, les Muets, encouragés par le comte Rabi, défendaient du mieux qu’ils
pouvaient le palais, déversant sur les assaillants pierres et huile bouillante
cependant que les archers opéraient de larges coupes dans leurs rangs. Marwan
faisait la navette entre les officiers et l’émir et fut stupéfait de découvrir
celui-ci, auquel il venait faire un rapport sur la situation, tranquillement
occupé à se parfumer la tête de musc et de civette. Devant son étonnement,
al-Hakam lui dit :
    — Ma conduite peut te paraître
bizarre. En réalité, elle ne l’est pas. Ce jour est celui où je dois me
préparer à la mort ou à la victoire et je veux que la tête d’al-Hakam se
distingue des têtes qui périront avec moi.
    — La mienne est prête à tomber
pour te protéger.
    — Je le sais, tu es le digne
fils de ton père. Rassure-toi, Allah écoutera mes prières et nous permettra de
rétablir le calme.
    De fait, les assaillants furent
encerclés par les cavaliers d’Ubaid Allah et massacrés. Les plus chanceux
parvinrent à s’échapper en se fondant dans les rues de la cité ou en traversant
le fleuve à la nage. Dans le Rabad, la panique s’empara de tous. Les
représailles ne manqueraient pas d’être terribles. Les plus compromis
cherchèrent, souvent en vain, des amis sûrs pour les cacher. Nul ne pouvait
quitter le quartier entièrement encerclé par la garde de l’émir. Les Muets
avaient reçu pour consigne de ne laisser entrer ni sortir qui que ce soit et
appliquaient cet ordre à la lettre. Privés de leur principal conseiller
spirituel, Talut Ibn Abd al-Djabbar, qui avait mystérieusement disparu, les
principaux notables se réunirent pour décider de la conduite à tenir. Après une
nuit de discussions, ils demandèrent au chef de la communauté juive, Itshak Ibn
Jacob, d’aller implorer leur grâce au souverain.
    L’intéressé, contrairement à toute
attente, accepta de remplir cette mission périlleuse. Chacun savait qu’il était
un loyal serviteur d’al-Hakam et un ami de Marwan Ibn Amr. Durant l’émeute, on
le lui avait fait chèrement payer en brûlant ses magasins et sa demeure. Il
avait été contraint de se réfugier, avec sa famille et ses coreligionnaires,
dans leur synagogue, un bâtiment aux murailles épaisses, qui avait résisté aux
assauts de la populace. Quand le calme était revenu, il avait fait l’admiration
de tous en distribuant vivres et secours à ceux qui en avaient besoin, qu’ils
soient musulmans, chrétiens ou juifs.
    Itshak Ibn Jacob trouva le moyen
d’entrer en contact avec Marwan Ibn Amr et celui-ci lui délivra un sauf-conduit
grâce auquel il put franchir le barrage de la garde et gagner le Dar al-Imara.
Son ami l’y attendait et le conduisit auprès du souverain :
    — Juif, dit al-Hakam, je sais
que toi et les tiens avez toujours été loyal envers moi. Je puis t’assurer que
vous en serez récompensés et que vous serez exemptés du châtiment que j’entends
infliger aux traîtres.
    — Noble seigneur, je te
remercie de ta bonté et les miens béniront ton nom en apprenant qu’ils te
doivent la vie. Je ne réclame rien pour moi personnellement. Je

Weitere Kostenlose Bücher