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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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du palais ?
    — Je l’aurais fait, dit Marwan
Ibn Amr.
    — Pardonne-moi de t’avoir
offensé. Je suis convaincu que tu aurais agi de la sorte cependant que les
autres n’auraient eu qu’une idée en tête : protéger leurs biens et
solliciter les faveurs du nouveau souverain. Il y a un temps pour la vengeance
et un temps pour le pardon. J’accorde ma grâce à Talut Ibn Abd al-Djabbar et à
Yahya Ibn Yahya al-Laithi. Ils ne la méritent pas, mais je veux honorer de la
sorte la générosité de leur protecteur. J’ose espérer que, désormais, dans
leurs sermons, ils sauront se souvenir qu’ils doivent la vie à un enfant
d’Israël.
    Les dernières années du règne
d’al-Hakam furent paisibles. Il se consacra à l’éducation de son fils aîné, Abd
al-Rahman, l’associant à la gestion des affaires publiques et lui apprenant,
petit à petit, son métier de roi. Un matin, il fut saisi d’un accès de fièvre
et les médecins appelés à son chevet lui laissèrent peu d’espoirs. Selon eux,
il ne lui restait plus que quelques jours à vivre. Le jour de la fête des
Sacrifices, le 10 dhu I-hidjdja 206 [84] l’émir reçut tous les dignitaires du royaume pour leur faire prêter serment
d’allégeance à son fils aîné. Puis il se retira dans ses appartements privés.
La veille de sa mort, le 25 dhu I-hidjdja [85] ,
il convoqua Abd al-Rahman pour lui lire son testament :
     
    De même qu’un tailleur se sert de
son aiguille pour coudre ensemble des pièces d’étoffe, de même me suis-je servi
de mon épée pour réunir mes provinces disjointes. Car depuis l’âge où j’ai
commencé à raisonner, rien ne m’a répugné autant que le démembrement de mon
empire. Demande maintenant à mes frontières si quelque endroit y est aux mains
de l’ennemi. Elles te répondront non, mais si elles te répondaient oui, j’y
volerais revêtu de ma cuirasse et l’arme au poing. Interroge aussi les crânes
de mes sujets rebelles qui, semblables à des pommes de coloquinte fendues en
deux, gisent sur la plaine et étincellent aux rayons du soleil. Ils te diront
que je les ai frappés sans leur laisser de relâche. Saisis de terreur, les
insurgés fuyaient pour échapper à la mort. Mais moi, toujours à mon poste, je
méprise le trépas. Quand nous eûmes fini d’échanger des coups d’épée, je les
contraignis à boire un poison mortel. Mais ai-je fait autre chose qu’acquitter
la dette qu’ils m’avaient forcé à contracter envers eux ? Certes, s’ils
ont trouvé la mort, ce fut parce que leur destinée le voulait ainsi. Je te
laisse donc mes provinces pacifiées, ô mon fils. Elles ressemblent à un lit
dans lequel tu peux dormir tranquille, car j’ai pris soin qu’aucun rebelle ne
trouble ton sommeil.
     
    Telles furent les dernières paroles
d’al-Hakam, que ses contemporains surnommèrent al-Rabadi, « celui du
Faubourg », en souvenir de la façon dont il avait châtié ses ennemis.
     

Chapitre X
    « Entre lui et nous, c’est une
lune de miel ( aiyam al-arus)  », c’est ainsi que le petit peuple de
Kurtuba résumait les premiers mois du règne d’Abd al-Rahman II, monté sur
le trône le 26 dhu I-hidjdja 206 [86] à l’âge de trente ans. Si son père était respecté parce que craint, le nouvel
émir était, lui, aimé de ses sujets qui colportaient maints récits attestant la
douceur de son caractère ainsi que ses nombreuses et éminentes vertus. Les plus
enthousiastes aimaient ainsi à rappeler que, témoin et prétexte de la sinistre
Journée de la fosse, il n’avait pas caché à Amrus Ibn Yusuf l’horreur que lui
inspirait ce massacre et plusieurs familles de Tulaitula se souvenaient avec
émotion des secours financiers qu’il leur avait fait parvenir. Absent lors de
la destruction du Rabad, il avait pris soin de rendre ostensiblement visite à
Yahya Ibn Yahya al-Laithi, soupçonné d’avoir été à l’origine de la révolte et
gracié par al-Hakam. Jusqu’à la mort de celui-ci, le wallad s’était obstinément
refusé à adresser la parole au principal artisan de la répression, le comte
Rabi.
    Dès son avènement, Abd al-Rahman
l’avait fait arrêter et traduire en justice, l’accusant d’avoir détourné à son
profit une partie des impôts qu’il avait la charge de collecter. Un muwallad
avait juré sous serment que le kumis lui avait déconseillé de se convertir à
l’islam en ces termes : « Si toutes les brebis que je tonds font
comme toi, les

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