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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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fonctionnaires
francs, un noble goth, Aizon, parvint à s’évader et à s’emparer d’Ausona [94] et de Roda. Il envoya l’un de ses frères à Kurtuba, proposant à Abd al-Rahman
de lui livrer ses domaines et de l’aider à reconquérir Barcelone. L’offre fut
jugée alléchante en dépit des conseils de prudence donnés par Marwan Ibn Amr.
Celui-ci sollicita du souverain une audience pour le mettre en garde :
    — Noble seigneur, cet Aizon ne
m’inspire pas confiance. C’est un criminel et aucun de ses coreligionnaires
n’acceptera de le seconder dans cette entreprise. Il ment de manière éhontée
quand il prétend que les Nazaréens de sa région veulent secouer le joug des
Francs et sont prêts à nous accueillir les bras ouverts. Il me fait penser à
Suleïman Ibn Yakzan Ibn al-Arabi, qui avait usé d’une ruse similaire pour
attirer sous les murs de Sarakusta le roi des Francs. Ce traître paya cher le
fait d’avoir cru à ces fables et je ne voudrais pas qu’une pareille mésaventure
t’arrive.
    — Mes autres généraux pensent
le contraire.
    — Ils rêvent de se couvrir de
gloire au combat mais connaissent mal les Francs. Ces hommes n’ont rien à voir
avec les Nazaréens de Djillikiya, une bande de gueux sur lesquels
Alphonse II a bien du mal à asseoir son autorité. L’Ifrandja est un
royaume puissant et bien administré et son roi peut lever autant de troupes
qu’il le veut. Aizon pèse bien peu par rapport à lui.
    — Marwan, je te trouve bien
timoré. À vrai dire, on m’a rapporté sur toi d’étranges rumeurs. Tu aurais
déploré l’exécution du comte Rabi et tu te plaindrais de l’influence qu’exercent
sur moi nos chefs religieux.
    — Rabi était un ami de mon père
et celui-ci l’avait recommandé au tien qui s’en trouva fort aise. Sans lui et
ses Muets, il n’aurait pu écraser la révolution du Faubourg et tu ne serais pas
à cette place aujourd’hui. L’homme n’était pas sans défauts, je te l’accorde.
Il s’est enrichi en levant les impôts. Ses remplaçants n’agissent pas autrement
si je crois ce qu’on dit en ville. J’ai effectivement déploré la mort du comte
Rabi et, si tu t’en souviens, lors du conseil que tu as tenu à ce sujet, je
n’ai pas fait mystère de mon opinion. Tu m’as même félicité pour ma franchise.
    — Soit. Mais qu’as-tu à
reprocher aux foqahas [95] et aux conseils qu’ils me donnent ?
    — Je me méfie de ces dévots
hypocrites toujours prêts à faire étalage de leur prétendue érudition et qui se
croient au-dessus du commun des mortels. L’Ishbaniyah nous appartient depuis
plus de cent ans désormais et pourtant, nous les disciples d’Allah, y sommes
toujours minoritaires. Nous n’avons rien à redouter des Juifs, ils savent trop
ce qu’ils nous doivent. Les Nazaréens constituent la majorité de la population
et il convient de ne pas les maltraiter. Pour l’heure, ils se tiennent
tranquilles car ils savent qu’ils ne peuvent rien espérer de leurs frères du
Nord ni des Francs. Mais tous nos beaux parleurs ne cessent d’exciter contre
eux Arabes et Berbères en affirmant que nous leur accordons trop de privilèges.
Les multiples tracas dont ils sont l’objet dans leur vie quotidienne finiront
par les indisposer et les inciter à la révolte. Tu as fait détruire la halle
aux vins et je t’ai félicité de cette initiative : elle aide les nôtres à
ne plus transgresser la Loi du Prophète, sur Lui la bénédiction et la
paix ! En contrepartie cependant, tes sujets juifs et chrétiens doivent
maintenant dépenser des sommes folles pour se procurer du vin ou de l’hydromel
et ce au prix de mille difficultés. N’est-ce pas injuste ?
    — Tu l’as reconnu, c’est la Loi
du Prophète !
    — Assurément et elle s’applique
à ceux qui ont accepté de suivre son enseignement, non aux dhimmis qui peuvent
pratiquer leur religion à condition de s’acquitter de la djizziya et du
kharadj. Tu règnes, noble seigneur, sur plusieurs peuples et tu dois respecter
chacun d’entre eux si tu veux que ton héritage prospère. J’ai bien peur que nos
chefs religieux ne compromettent la paix qui règne jusqu’ici dans tes domaines
avec leurs exigences irréalistes.
    — Est-ce une raison, Marwan Ibn
Amr, pour t’opposer à cette expédition contre les Francs ? Aurais-tu
peur ?
    — J’ai passé mon existence à me
battre et je serai fier de donner ma vie pour toi, Abd al-Rahman.

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