Templa Mentis
Trésor par d’invraisemblables exigences, à l’instar de M. de Valois et de tant d’autres, ceux qui voulaient sa place, ceux qui ourdissaient contre le roi, ceux qui refusaient de se plier à la raison d’État, sans oublier le pape qu’il flattait pourtant dans le sens du poil. Il les voyait, pour la plupart, tels d’affreux rats engouffrant le gâteau France, s’empiffrant sans vergogne, leur queue battant de goinfrerie et de satisfaction, chacun ne songeant qu’à sa panse.
Bah, les plus beaux navires n’étaient-ils pas infestés de rats, expliquant que l’on embarquât des chiens de terriers afin de protéger les vivres ? Amusant : il devenait le terrier du royaume.
— Faites entrer.
— Un gobelet d’infusion, monseigneur ? Un plateau de croûtes dorées ? s’enquit l’huissier d’une voix respectueuse puisque le conseiller exigeait ces marques de cordialité, fort rares de sa part, lorsque le chevalier le venait visiter.
— Non. Dès que M. de Plisans m’aura rejoint, faites monter, en discrétion, quatre hommes d’arme qui garderont mes portes.
L’huissier dissimula sa surprise en baissant la tête.
Lorsque Hugues de Plisans entra, Guillaume de Nogaret s’était réinstallé derrière sa table de travail.
— Monseigneur, je suis fort aise de vous voir en si belle forme.
Nogaret le fixait de ce dérangeant regard dépourvu de cils.
— Une affaire m’a retenu, sans gravité, poursuivit le chevalier templier.
Nogaret ne répondit rien.
— Mille excuses. J’aurais dû vous faire parvenir un message…
Plisans se rendit soudain compte du changement d’attitude du conseiller à son égard.
— Messire ? Aurais-je commis quelque impair pour vous déplaire ?
— À vous de me le dire.
— Mais…
— De grâce ! tonna le conseiller. Épargnez-moi les longs discours et les lénifiantes paroles, Plisans. Au fait.
L’incompréhension qui se peignit sur le visage du chevalier templier n’ébranla pas M. de Nogaret. Il avait tant vu d’admirables comédiens défiler dans sa salle d’étude. Certes, il n’était pas encore certain de la duplicité du chevalier. Toutefois, Nogaret connaissait assez l’âme humaine dans toutes ses turpitudes. Les menteurs utilisent la moindre incertitude de ceux qu’ils trompent pour se faire accroire gentils agneaux dociles. Contre leurs manipulations, prêcher le faux pour savoir le vrai donnait souvent d’excellents résultats, le conseiller en jugeait d’expérience. Il avait ainsi acculé nombre de madrés bien que n’ayant pas le moindre début de preuve à leur opposer.
— Messire de Nogaret, je ne…
— Vous ne comprenez pas ? Moi qui vous pensais d’esprit bien vif ! Je vous l’avoue sans ambages : je ne me sens pas l’humeur d’un chat jouant avec une souris, aussi coriace soit-elle. Qu’alliez-vous faire en l’hôtel de Tiron, à Paris ? On vous y a vu à plusieurs reprises ? Étrange, pour un templier.
— Vous me faites espionner ?
— Je fais ce qu’il me chaut et n’ai de comptes à rendre qu’au roi. La réponse ?
— Oh, elle est limpide : j’y rendais visite à mon oncle, le frère de ma mère, Constant de Vermalais, le seigneur abbé de Tiron. Je souhaite de tout cœur que mes liens de sang ne vous offensent pas, messire.
— Ne me narguez pas, Plisans. Belle affection, en vérité ! D’autant que si les informations glanées à mon ordre depuis sont exactes, vous lui rendez également visite en l’abbaye royale. Quelle dévotion familiale ! Messire de Vermalais est excellent soldat, homme d’honneur et de piété et… très forte tête.
— Est-ce un péché ?
— Tout dépend contre qui s’exerce son obstination, rétorqua le conseiller en joignant les mains. D’autres échos, en provenance de Dieppe et de Calais, m’ont intrigué. Fichtre, les pèlerinages accordés par votre bon oncle se succèdent sur un rythme effréné. Les voyages forment l’esprit, affirme-t-on.
Hugues de Plisans n’hésita que quelques instants. Après tout, peu lui importait la mort. Il l’avait frôlée tant de fois qu’elle ne l’impressionnait plus guère. De plus, il venait de se jeter dans un piège : la citadelle du Louvre. Il n’en sortirait jamais si le conseiller en décidait autrement. Tant qu’à périr, mieux valait que son agonie fut la plus brève possible, et partir avec panache.
— Que voulez-vous savoir, messire de Nogaret ?
— La vérité
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