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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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perdre dans l’exercice le surplus qu’il avalait.
    Une fois Luirieux parti, il se glissa donc en cuisine, et, n’y trouvant personne, récupéra une louche à son crochet. Sans le moindre remords, attiré par le fumet, il souleva le couvercle du pot sur le feu.
    — Voulez-vous bien reposer cette cuillée !
    Le ton était si comminatoire que Ronan de Balastre se retourna avant même de l’avoir plongée.
    Maître Janisse, après avoir dévalé l’escalier, fondit sur lui d’un air ulcéré et le ventre en avant.
    — Sacrilège, messire, sacrilège ! Quatre heures, pas moins de quatre heures encore de petit bouillon pour que les saveurs explosent en bouche. Y goûter maintenant gâterait tous mes effets !
    Et, d’autorité, il lui arracha l’ustensile, le laissant penaud et embarrassé, lui qui ne se troublait jamais.
    — Pardonnez-moi, maître Janisse, mais…
    — N’en dites pas davantage, je sais, cela embaume.
    Le prenant par les épaules, il entraîna Ronan de Balastre loin de sa mijotée.
    — Je l’ai deviné rien qu’à vous voir, mon cher, vous êtes un gourmet. Ce soir, au dîner, croyez-moi, vous me bénirez. Mais en attendant, que diriez-vous de vous occuper une petite dizaine de minutes…
    — Pourquoi dix ?
    Janisse l’arrêta devant un four, huma le parfum sucré qu’il dégageait.
    — Vous sentez ? Reniflez, reniflez que diable ! insista-t-il en ouvrant les bras pour inspirer à pleins poumons.
    Ronan de Balastre l’imita sous son œil satisfait.
    — Tout le secret de la tarte aux myrtilles tient là, mon ami. Quand le sucre se met à fondre tout autour des grains, qu’il les sertit délicatement un à un. Ni trop, ni pas assez.
    Il reprit Ronan de Balastre sous son bras épais et le ramena vers la sortie.
    — Neuf minutes. Plus que neuf, et vous pourrez la goûter.
    Ronan de Balastre sortit plus alléché encore qu’il n’était entré, sans voir combien Janisse était soulagé.
     
    Il erra donc, puisque Hugues de Luirieux comme le cuisinier le lui avaient recommandé.
    Rien d’anormal ne le frappa. Dans la cour du castel, chacun vaquait à sa tâche. Le boulanger enfournait, le père Vincent ramassait des simples dans un minuscule jardin, des jouvencelles revenaient, les bras chargés de fleurs pour les jonchées, ici l’on puisait de l’eau, là on en vidait. Il compta trois minutes devant l’antre du maréchal-ferrant, les mains derrière le dos, tout en gardant l’oreille et l’œil en alerte, puis passa dans l’autre cour, entre l’étable et la forge. Le Galoup fendait du bois près de la fauconnerie sous l’œil attentif de son maître qui rangeait les morceaux sous un appentis. Quant au fauconnier, il entraînait une jeune recrue à fondre sur un leurre.
    Ronan de Balastre s’y intéressa le temps d’un lâcher et d’un piqué puis revint sur ses pas.
    Tout était tranquille. Hugues de Luirieux se faisait des idées, songea-t-il.
    Il gagna pourtant l’écurie et réclama de voir la monture sur laquelle le troisième homme était arrivé la veille. Pendant qu’il l’examinait, le palefrenier lui confirma que le cavalier en question était de l’escorte du baron Jacques. Sa sellerie révéla pourtant à Ronan de Balastre des armoiries identiques à celles du bouton de brayette que Luirieux avait trouvé.
    Lorsqu’il ressortit, perplexe, il apprit d’un valet que maître Janisse le cherchait.
    Il s’empressa de retourner en cuisine, alléché autant de gourmandise que d’informations, car l’idée venait de le traverser que personne mieux que ce diable de cuisinier ne pourrait le renseigner.
    Janisse l’attendait.
    Il lui tendit une part odorante, parfaite, dont Ronan de Balastre se délecta, debout près du billot, les contours de la bouche noircis du jus des baies.
    — Sublime ! La meilleure que j’aie goûtée.
    Janisse s’empressa de lui en couper une deuxième part, puis une troisième.
    — N’ayez pas de remords, une autre est en cuisson pour le dîner. Vous prendrez bien un peu de crème pour l’accompagner ? Vous verrez, elle est onctueuse et parfumée à souhait, insista Janisse en lui en versant une bonne louchée dans un bol.
    Tant et si bien que, de longues minutes plus tard, Ronan de Balastre, repu et admiratif, faillit repartir sans avoir rien demandé. Il se reprit en haut de l’escalier.
    — Dites-moi, maître Janisse, vous qui connaissez tout de cette maison, est-ce bien un dénommé Dumas qui est venu

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