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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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vous annoncer l’arrivée du baron Jacques hier soir ?
    Janisse ne se démonta pas. Tout au contraire, il soupira.
    — Ma foi, messire, je l’ai vu, mais ne m’y suis pas attardé. Un ignorant. Voilà ce qu’il est. Incapable de saucer convenablement ou de saliver d’une frottée d’ail.
    Il tendit le bras vers la tarte, rognée de moitié.
    — Là, voyez, cette merveille, il ne l’aurait pas même approchée. Ah ! tout le monde n’est pas comme vous, non non non. C’est bénédiction que vous l’ayez remplacé.
    Ronan de Balastre insista encore, pourtant.
    — Savez-vous s’il a été anobli ?
    — Qu’est-ce qui vous le donne à penser ?
    — La chambre seigneuriale qu’on lui a allouée.
    Janisse ne fut troublé qu’un semblant de seconde, le temps de mouliner des bras dans un râle furieux.
    — Trouvez-vous cela normal, en vérité ? Moi non. Je dis « non », messire. Non. Qu’a-t-il fait pour le mériter ? Je vous le demande, vous le savez ?
    — Moi ? Non, répondit Ronan de Balastre entraîné par la fougue brutale et rancunière du cuisinier.
    — Eh bien, moi non plus et personne de cette maisonnée, mais monsieur veut des égards, maintenant, des privilèges ! Sans même être capable de les apprécier. Tandis que moi… (Il brandit un index boudiné, bomba le torse.)… Moi, messire ! J’aurais cent fois mérité cet honneur. Cent fois ! N’était-il pas plus héroïque d’embrocher une poularde lardée qu’un manant ? (Il agita son doigt.) Je vous le dis, à vous qui me comprenez si bien, que seraient mes maîtres sans moi ? Faméliques et décharnés ! Pis messire ! Pis ! (Il détacha chaque syllabe.) Em-poi-so-nnés ! Oui ! Parfaitement ! Em-poi-so-nnés de mal manger !
    Et c’est sur cette tirade que maître Janisse tourna le dos à Ronan de Balastre, le laissant convaincu et sans plus d’autre raison d’enquêter.
    *
    Luirieux rentra tard de sa promenade.
    Son bain pris, il accorda à Petit Pierre de passer quelques minutes auprès du Galoup, remettant à plus tard sa décision de chasser la créature. Un rapprochement tel s’était opéré entre lui et son fils qu’il ne voulait risquer de le briser. Ensuite de quoi il s’en fut embrasser son épouse qu’il trouva rafraîchie et reposée, et dans les mêmes dispositions à son égard qu’il l’avait laissée.
    Tout semblait au mieux, donc, à l’heure du dîner pour lequel la table avait été joliment dressée.
    Profitant de l’absence des valets, Ronan de Balastre lui fit son rapport au sujet de Dumas, insistant sur le fait que les habitants du castel semblaient ravis d’avoir enfin des maîtres à demeure.
    Hugues de Luirieux s’en contenta. Lui-même avait chevauché par les bois jusqu’à approcher d’au plus près la Rochette, serrant Petit Pierre devant lui pour s’en servir d’otage comme de bouclier si besoin était. Il avait vu un campement de Bohémiens accolé à l’enceinte de la maison forte et par son portail ouvert une agitation de valets. Visiblement, tout était tel qu’Enguerrand de Sassenage le lui avait annoncé.
    Il allait donc pouvoir jouir, en toute quiétude, de sa nouvelle vie.
    Fort de cette certitude, il s’attabla avec ses compères, le cœur et l’esprit tranquillisés puis, à leur exemple, dégusta le verjus qu’un jeune échanson venait de leur verser.
    Lorsque maître Janisse lui-même vint leur donner le menu, le prévôt était dans les meilleures dispositions.
    — Un dîner léger, mais dont vous me direz des nouvelles. Un potage pour commencer. De jeunes navets caramélisés avant d’être pilonnés avec un mélange de baies. Le tout, ensuite, onctueusement travaillé à la crème de lait fouettée. Un délice !
    Il tapa dans ses mains, et Gersende entra avec la soupière pour faire le service. Petit Pierre en reprit trois fois, Luirieux deux, quant à Ronan de Balastre et Torval, ils se partagèrent le restant.
    — Mes félicitations, Janisse, dit Luirieux, subjugué.
    — Une mise en bouche, messire… Le meilleur est à venir, assura le cuisinier dans une courbette.
    — Qu’est-ce donc ? réclama Luirieux, enclin joyeusement à l’écouter raconter.
    — Un chef-d’œuvre… Mon chef-d’œuvre… Je ne vous en dis rien, c’est un secret… Il est dans ma famille depuis des générations…
    — Et un secret bien gardé, Hugues ! Ce tourmenteur m’en a fait saliver tout l’après-midi, renchérit Ronan de

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