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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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s’offrait.
    Lorsqu’il la quitta, quelques minutes plus tard, ahuri et troublé, Hélène enleva de sa table de chevet le verre d’eau de mélisse qu’elle y avait préparé. Elle se gargarisa, puis, à la façon des janissaires qu’elle avait si longtemps côtoyés, envoya un crachat s’écraser sur le plancher.
    Ensuite de quoi elle se laissa retomber sur l’oreiller, l’œil rancunier autant que soulagé. Plus aucun doute ne la tenait.
    Hugues de Luirieux était tombé tête baissée dans le piège qu’on lui préparait.
    *
    Lorsque Luirieux parut en haut des marches de l’entrée principale du castel, Petit Pierre venait d’entamer une partie de cloche-pied. Il le héla.
    Abandonnant aussitôt Le Galoup, le garçonnet partit en courant pour s’immobiliser, jambes écartées, mains sur les genoux, teint rouge et souffle coupé, devant lui.
    — Te voilà bien en sueur, mon fils.
    L’appellation écorcha les oreilles de Petit Pierre, pourtant il leva vers Hugues de Luirieux un franc sourire.
    — C’est à cause du Galoup, il court plus vite que moi ! Mais cela ne fait rien. Je vais m’entraîner pour gagner. Dites, quand pourrai-je voir mes sœurs ? Dame Gersende prétend qu’elles sont si petites que je pourrais les briser rien qu’à vouloir les toucher, est-ce vrai ?
    Hugues de Luirieux fut agréablement frappé par la transformation qui s’était opérée chez l’enfant. L’œuvre du Galoup, sans aucun doute. Car, pour autant qu’il s’en souvienne, en guise d’au revoir au départ de Romans et juste avant de monter dans le carrosse, Petit Pierre lui avait écrasé le pied.
    Il s’accroupit pour se ramener à sa hauteur.
    — Demain tu les verras. Pour l’heure, ces dames se reposent. Elles ont eu une dure journée.
    Petit Pierre hocha la tête.
    — Je le veux croire. Puis-je retourner jouer ?
    — Je préférerais que tu m’accompagnes.
    — Où voulez-vous aller ?
    — Faire le tour de nos terres, en grande chevauchée. Tu sais monter, je crois.
    — Oui. Mon pè… (Petit Pierre se mordit la lèvre, chassa la brume qui endeuilla son visage pour se reprendre)… Le Mathieu me l’a enseigné.
    Hugues de Luirieux nota l’effort, louable, qu ’il venait de consentir à leur relation. Décidément, songea-t-il, ce lieu fait des miracles. À moins que ce ne soit l’arrivée de ces enfançonnes qui donne à chacun le goût d’une nouvelle famille. Il devrait veiller à se protéger d’une trop grande quiétude. Il savait, par expérience, qu’elle engendrait la mollice et que rien de bon n’en naissait.
    Il froissa pourtant l’abondante chevelure bouclée.
    — Mathieu te manque et je le comprends, mon fils. Il n’est pas utile que tu essaies de le cacher. Après tout, c’est auprès de lui que tu as grandi. Non seulement tu n’es pas responsable du mensonge de ta mère, mais on n’efface pas en quelques semaines tout l’amour qu’on a porté.
    Petit Pierre hocha la tête, la gorge nouée. Non pas de cette apparente compréhension, mais de ce qu’il s’apprêtait à dire et qui lui coûtait. Il baissa le nez pour ne pas regarder cet homme qu’il haïssait.
    — Ça va aller. Faut pas vous inquiéter. Qu’il soit dans la rivière ou sous terre, Mathieu, quelle différence ça fait, en vérité ? Il est mort, il est mort. Un point c’est tout. Dame Hélène me l’a bien fait comprendre. J’ai beaucoup de chance que vous m’ayez adopté. Avec mes vilaines manières, vous auriez fini par me pendre un jour ou l’autre. Alors…
    Il redressa la tête.
    — On fait la paix ?
    Hugues de Luirieux accepta la poigne que Petit Pierre lui tendait.
    — Avec joie, fils.
    Petit Pierre s’arracha à sa tenaille. Pas lui laisser le temps d’une accolade. Fallait pas exagérer ! Il recula pour courir vers l’écurie.
    — Le premier en selle mène la cheminée !
    Hugues de Luirieux éclata d’un rire joyeux.
    Ce qui ne l’empêcha pas, en s’écartant de la bâtisse, d’adresser un bref signe de tête à Ronan de Balastre. Dès qu’il serait parti avec Petit Pierre, l’attention se relâcherait dans le castel.
    Assez peut-être pour que son homme de main, resté en retrait, puisse commencer à fouiner.

63
     
    Ronan de Balastre avait faim.
    Il était dans sa nature de manger, quelle que fût l’heure de la journée, si, par chance, quelques mets chatouillaient sa gourmandise. Il en usait d’autant plus que son excellente constitution lui faisait

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