Terra incognita
au sujet d’Elora et d’Algonde. Si cette dernière ne leur avait pas affirmé que son époux devait venir à elle dans le pardon pour Mélusine, s’il y avait eu un autre moyen de la libérer de sa geôle maléfique, jamais ils n’auraient prêté serment de silence. Jamais.
Mais Celma était lasse des mensonges, lasse des manigances.
Il était temps pour elle d’avoir une conversation avec leur prisonnière. Temps qu’Hélène de Sassenage apprenne qu’elle n’était pas seule et que, le moment venu, elle les trouverait à ses côtés.
*
La porte se referma sur elles, les plaçant face à face dans cette chambre qui sentait le renfermé, nota Celma en même temps que l’arrondi du ventre d’Hélène.
— Je vous ai entendue. Dans la cour. Merci d’être montée, l’accueillit Hélène avec un large sourire.
— Je devais vous parler.
— Moi aussi.
Leurs regards se nouèrent. Un rire léger s’envola. À deux voix. Scellant à l’instant leur complicité. Le doigt de Celma se leva vers la couche.
— Tout d’abord de cette robe, mais l’affaire est entendue, vous ne la passerez jamais.
— Jamais, lui concéda Hélène. Plaiderez-vous pour moi auprès du prévôt ? Il me faut des habiles mains.
— Les miennes sont à votre disposition.
Le voile de déception qui passa sur le visage d’Hélène attrista Celma.
— Vous doutez de mes talents ?
— Non, non, se reprit Hélène.
Celma soupira.
— Je vois. Vous espériez sans doute une aide extérieure pour empêcher ces épousailles.
Hélène gagna un fauteuil et s’y installa. Par moments la lassitude la fauchait comme une ombre douloureuse. Elle passa une main moite sur son front.
— À dire vrai, je ne sais plus vraiment ce que j’espère, sinon parler à Mathieu. Le feriez-vous pour moi ?
Devant sa pâleur, Celma chercha des yeux un pichet. Elle le trouva sur une console. Elle emplit le gobelet posé à côté et le lui apporta. On manquait d’air, dans cette pièce. N’en déplaise à Luirieux, il faudrait qu’elle remédie à cela.
— Tout ce que vous voudriez lui dire, je le sais déjà, affirma-t-elle en tendant le bras.
Hélène la remercia d’un mouvement de tête, but lentement, par petites gorgées. Entre deux, elle ricana.
— Je ne crois pas, non. Ce que vous savez de moi n’est que le reflet qu’il en a et…
Refusant de la laisser s’abîmer davantage, Celma la coupa.
— Le récit d’Algonde et de Constantin me fut bien plus profitable pour cela.
De surprise, Hélène lâcha le récipient, inondant du peu d’eau qu’il contenait encore la proéminence de son ventre. Elle sembla ne pas s’en apercevoir, prise de panique. Celma en fut bouleversée. S’accroupissant devant elle, elle s’empara de ses mains tremblantes.
— Chut, chut. Tout va bien. Je ne suis pas votre ennemie. Écoutez-moi, Hélène… Vous voulez bien ? Écoutez-moi.
Hélène hocha la tête, soumise à sa peur, à cette femme qui détenait son secret comme une arme. Même si elle prétendait le contraire. Elle s’accrocha au mouvement de ses lèvres, à la douceur de sa voix. Et, peu à peu, se détendit.
Celma s’accorda le temps de tout lui raconter. Depuis la naissance de leur communauté de brigands à sa triste fin sur la potence, soulignant le rôle de Fanette, leur rencontre avec Algonde, Constantin et Présine, le chantage de Luirieux à propos de Petit Pierre et les exactions que Mathieu, sous les ordres de Torval, perpétrait pour grossir la fortune du prévôt.
Des larmes s’étaient mises à couler sur les joues d’Hélène. Celma les essuya du bout de son tablier.
— Vous comprenez à présent pourquoi je ne peux rien dire à Mathieu ? La malédiction dont souffre Algonde ne peut être vaincue que par l’amour. L’amener de force devant elle, sous cette forme, ne servira à rien. J’ai essayé, croyez-moi. J’ai essayé de le convaincre de pardonner à Mélusine. De vous pardonner. C’est un bloc ! Un bloc de colère. Vous lui parleriez qu’il n’écouterait pas davantage.
— Alors que puis-je ? Que puis-je pour réparer cela, Celma ?
— Épouser Luirieux. Sitôt que nous aurons récupéré Petit Pierre, Matthieu s’adoucira. Avec un peu de chance, Elora sera rentrée d’Istanbul. Mieux que tout discours, sa lumière le convaincra.
Hélène soupira.
— Et moi, dans tout cela ?
— Accordez à Luirieux le temps de légitimer votre enfant.
— Et
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