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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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sacrifia aussi, mais ne fit que tremper ses lèvres dans la boisson.
    — Te souviens-tu combien papa pestait contre la prohibition ?
    questionna Edouard en reposant son verre.
    — Tu ne paraissais pas t’en réjouir plus que lui.
    — Devoir enrichir un médecin pour obtenir la moindre bouteille, ou alors acheter un liquide à peine buvable concocté par un cultivateur à deux pas de son tas de fumier, cela ne me disait rien. Alors, voilà un sujet sur lequel nous étions parfaitement d’accord.
    — Franchement, nous sommes à table, grommela Evelyne.
    Thomas junior leva les yeux, intrigué. Un gros mot venait d’être prononcé, et il ne s’en était même pas rendu compte.
    — Cette bouteille vient de la Commission des liqueurs, la plus belle invention des libéraux depuis un siècle, continua le marchand comme si aucune parole n’avait été prononcée.
    — Nous nous dirigeons vers un scrutin en septembre, remarqua Elisabeth. Les conservateurs paraissent désireux de reprendre la lutte contre ton institution favorite. Ceux-là souhaitent toujours interdire la vente d’alcool.
    — Et ensuite, ils vont se demander pourquoi personne dans la province ne vote pour eux. La Commission a déjà été copiée dans de nombreuses provinces. La prohibition ne fonctionne pas.
    — Cela ne les empêchera pas de faire campagne sur ce sujet, avec l’appui du clergé.
    — Les soutanes ! maugréa l’homme de la maison.
    Evelyne laissa échapper un soupir lourd de reproches, posant les yeux sur son fils comme si celui-ci s’exposait à un péché mortel.
    — Ces curés ne comprennent pas que cette élection concerne le fédéral, continua-t-il, alors que la question du commerce de l’alcool relève des provinces.
    William Lyon Mackenzie King était à la tête du pays depuis 1921. Même si les auspices semblaient mauvais pour lui, il ne pouvait se dérober au rendez-vous électoral.
    Les questions politiques occupèrent la conversation pendant tout le repas. Elisabeth tenta bien à quelques reprises de l’amener sur le terrain de la vie domestique afin d’y mêler Evelyne. Comme celle-ci se limitait alors à des réponses d’une ou deux syllabes, elle renonça bientôt à ses efforts.
    De son côté, l’esprit de Thomas junior vagabondait vers son train électrique. Cela suffisait pour lui permettre d’échapper à la morosité ambiante.

    *****

    Dans la bibliothèque, les panneaux en noyer noir décidément trop sévères avaient cédé la place à un bois plus pâle. Avec des rideaux légers à la grande fenêtre donnant sur la rue, la pièce prenait un air plus gai.
    — Les choses ne vont guère mieux entre vous, remarqua Elisabeth.
    Prendre un sherry l’après-midi ne s’inscrivait pas dans ses habitudes. Cette fois, l’alcool chasserait peut-être la tristesse des deux dernières heures.
    — Je suppose que l’on se fait à tout. Tu vois, moi je l’ai trouvée comme à l’habitude.
    La mère et le fils occupaient des fauteuils placés de part et d’autre de la cheminée, éteinte en cette saison. De l’extérieur, par les croisées grandes ouvertes, venaient une brise légère et le chant des oiseaux.
    — Et de ton côté, enchaîna-t-il, tu es toujours satisfaite de tenir une maison de chambres ?
    Plutôt que de voir son ménage soumis à une nouvelle autopsie, Edouard préférait amener ce sujet de conversation.
    — Comme des touristes occupent mes chambres sans discontinuer jusqu’au retour de mes locataires réguliers, je ne peux pas me plaindre.
    — Pour les étudiants, je ne sais pas, mais le trio de députés ne tarit pas d’éloges sur toi. Je les croise lors des activités du Parti libéral.
    En réalité, la femme devait gérer une petite liste d’attente.
    Elle se retenait de ne pas évincer les étudiants pour recevoir un plus grand nombre de ces messieurs. Seul le souci de ne pas avoir un nouvel admirateur à ses jupons l’en dissuadait.
    Ils lui tournaient autour avec une lassante détermination.
    — Je suis partie d’ici il y a presque six ans jour pour jour, remarqua Elisabeth. Tu n’aurais alors pas parié sur ma réussite, n’est-ce pas ?
    A cette époque, il lui avait déclaré sans ambages qu’elle ne savait rien faire.
    — Mon scepticisme se montrait raisonnable, ne crois-tu pas ? demanda-t-il avec son habituel sourire de séducteur.
    Comme elle ne répondait pas, affichant plutôt un air de défi, il poursuivit:
    — Mais, comme tu as toujours été une

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