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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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hôtesse parfaite, j’aurais dû voir plus loin que le bout de mon nez et deviner ton succès.
    — Je suis heureuse que tu le reconnaisses, après toutes ces années. Les affaires vont bien, au point où je me demande s’il ne serait pas pertinent d’agrandir.
    Le jeune homme écarquilla les yeux, puis déclara :
    — Je constate bien l’afflux de touristes au magasin, mais je ne réalisais pas que tu en profitais autant. Toutefois, je ne vois pas comment tu peux agrandir... à moins de construire dans le petit jardin derrière.
    — Non, cela reviendrait à condamner la moitié de mes chambres. Je ne serais pas plus avancée. La seule possibilité serait d’acheter une maison contiguë, ou pas trop éloignée de la mienne.
    — ... Quelqu’un désire vendre ?
    — Non, mais je garde les yeux grands ouverts.
    Edouard ne pouvait s’en empêcher : la prétention de sa mère à se présenter comme une femme d’affaires lui mettait toujours un sourire condescendant sur les lèvres.
    — Si tu as besoin de liquidités, je demeure disposé à acheter ta part du magasin, dit-il.
    — Je vendrai peut-être, mais ce sera au plus offrant.
    De condescendant, le sourire se fit crispé.
    — Tu vois, reprit Elisabeth, j’apprends à mener des affaires. Et dans ce domaine, il convient de séparer les sentiments de la recherche du profit, n’est-ce pas ?
    — Les deux peuvent tout de même cohabiter.
    — Tu crois? Je devrai en discuter avec mon conseiller juridique.
    Cette fois, le fils ne se priva pas de grimacer de dépit.
    — Tu as décidé de confier tes affaires à ce débutant.
    Dupire me paraissait bien plus compétent.
    — Tout à l’heure, tu voulais mêler affaires et famille.
    Mathieu est le seul notaire de notre parenté, n’est-ce pas? — Est-ce vraiment un notaire ? Il a prolongé ses études pour terminer aussi son Barreau. Voilà un homme qui ne peut pas se décider entre deux professions !
    La conversation venait de dériver sur Mathieu Picard, le fils d’Alfred et de Marie. La visiteuse ne put s’empêcher de le défendre :
    — Ou un homme sachant au contraire très bien ce qu’il veut, et désireux de se donner des outils pour y parvenir.
    De façon bien puérile, Edouard éprouva un pincement au cœur, comme si la complicité entre sa mère et son cousin lui enlevait quelque chose. Il refoula sa frustration pour dire plutôt :
    — Comme il a enfin terminé ses très longues études, je suppose qu’il quittera maintenant ta maison de chambres.
    — Ses études et sa cléricature sont terminées, précisa la femme. Pour répondre à ta question, oui, il déménagera bientôt.
    Un peu de tristesse pointa dans sa voix. Son premier locataire la quitterait dans moins d’une semaine.
    — Cela signifie que j’aurai à me dénicher une nouvelle secrétaire pour remplacer Flavie, conclut Edouard.
    — Je ne vois pas le rapport.
    — Il sera enfin en mesure de faire vivre sa femme ! Voilà cinq ans que dure cette situation anormale et moi, je n’ose pas la renvoyer, parce que justement, c’est la famille.
    — Tu veux dire que Flavie ne fait pas bien son travail ?
    Elisabeth buvait son sherry à petites gorgées, incertaine d’apprécier le ton de la conversation.
    — Ce n’est pas cela, tu le sais bien. Une femme mariée qui travaille, c’est tout à fait inconvenant.
    — J’espère que tu ne penses pas la même chose des veuves qui gagnent leur vie.
    Cette fois, Edouard se donna le temps d’avaler son cognac afin de penser un peu à sa répartie.
    — Cela n’a rien à voir, tu le sais bien. Les femmes mariées se consacrent habituellement à leur famille, c’est l’usage dans la province de Québec. Dans ce cas précis, c’est plus délicat encore. Je n’ose plus rien formuler à haute voix, je tape certaines lettres moi-même, car je crains qu’elle ne répète le détail de mes affaires sur l’oreiller.
    — Mathieu aussi possède une part du magasin. Il ne se servira pas de renseignements privilégiés pour te nuire, tu le sais bien.
    — ... Mes affaires ne se limitent pas au magasin.
    Bien sûr, la situation était on ne peut plus délicate. Si le climat lugubre du dîner n’avait pas ruiné sa digestion, Elisabeth en aurait convenu de bonne grâce. Elle déclara après une pause :
    — Je ne connais pas les projets de Flavie. Comme elle aura bientôt un appartement à entretenir, ou il lui faudra de l’aide à la maison, ou elle abandonnera son emploi.

    — Je souhaite

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