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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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âgé de treize ans, blond et rose, ne pouvait passer inaperçu. Depuis plusieurs jours, il l’entretenait des difficultés inhérentes aux années subséquentes du cours classique, et plus encore du difficile chemin vers la sainteté.
    Quand il se retourna pour faire face à l’insolent, le garçon aperçut ses camarades Létourneau et Letendre marcher bras dessus bras dessous en se déhanchant. Le dernier faisait mine d’envoyer des baisers de la main à tous les autres élèves, maintenant hilares.
    — Arrêtez de faire les imbéciles, hurla Raymond de la pleine puissance de ses poumons.
    Ses deux camarades s’immobilisèrent, surpris. Letendre s’approcha, un sourire mauvais sur les lèvres.
    — Mais la colère est un vilain péché capital. Toi qui te vantes d’aller à l’église quatre fois par jour ! Pour te faire pardonner ça, demain tu devras monter de la Basse-Ville sur les genoux.
    Devant l’allusion à la pente abrupte entre les deux villes, et surtout devant le ton méprisant de son camarade, Jacques Létourneau se renfrogna un peu. Lui aussi devait monter cette côte tous les matins pour se retrouver là.
    — Ne fais pas cette tête, voyons, continuait Letendre.
    Viens plutôt me faire la bise.
    Le grand adolescent plia les genoux, affectant d’être de la taille d’un écolier d’Eléments ou de Syntaxe.
    — Laisse-moi tranquille, cria encore Raymond en le repoussant brutalement de ses deux mains ouvertes sur la poitrine.
    L’autre fut surpris de la force de son camarade. Au lieu de risquer un véritable affrontement dont il ne sortirait peut-être pas vainqueur, il décida de tourner l’altercation en farce.
    D’un geste, il attrapa le béret de la victime de ses railleries, partit en courant en tenant son trophée à bout de bras.
    — Rends-moi ça !
    Le tortionnaire fit le tour du grand arbre solitaire au milieu de la cour, puis d’un groupe de séminaristes. En passant derrière le chêne une seconde fois, son poursuivant faillit l’attraper, ses doigts se fermèrent sur le tissu de la jaquette. Letendre s’échappa en accélérant un peu, puis il s’arrêta, la bouche et les yeux grands ouverts, une immense surprise sur le visage.
    Emporté dans son élan, Raymond le frappa dans le dos, le projetant au sol de façon brutale. L’autre s’étala de tout son long, demeura immobile... totalement immobile. Tous les témoins de la scène avaient éclaté d’un grand rire, mais le silence revint. Quelque chose n’allait pas.
    — Je n’ai rien fait, clama Raymond, soudainement au bord des larmes.
    Maître de ses émotions, Létourneau tendit la main pour prendre l’épaule de son camarade et le mettre sur le dos.
    Paul-Emile Letendre gardait les yeux grands ouverts, maintenant tournés vers un ciel de plomb.
    — Quelqu’un doit demander au portier d’appeler une ambulance.
    Sans se soucier que sa directive soit mise à exécution, il défit la cravate et détacha le bouton du col. Personne, parmi tous ces jeunes garçons, ne savait comment procéder à une réanimation.
    — Je n’ai pas fait exprès, répétait Raymond d’une voix plaintive. Il s’est arrêté tout d’un coup, au milieu de sa course. Je l’ai heurté par accident.
    Personne ne lui reprochait quoi que ce soit, pourtant, il allait grommeler ces mots toute la journée.

    *****
    Le lendemain était un dimanche. Raymond se réjouissait de ne pas rencontrer ses camarades ce jour-là, de peur de lire un reproche dans leurs yeux. Une inquiétude sourde le tenaillait.
    En soirée, en pénétrant dans le bureau de monseigneur Buteau, il commença par demander :
    — Vous êtes au courant de l’accident survenu au Petit Séminaire ?
    — Non. Que s’est-il passé ? Un incendie ?
    — Un écolier de la classe de Méthode est tombé en jouant.
    Présenté ainsi, l’événement revêtait bien peu d’intérêt.
    Le curé vit là un effort de retarder un peu la conversation qu’il tenait à avoir. Depuis le début de leurs rencontres, leurs échanges avaient porté sur des considérations enfantines: éviter les sucreries, ne pas se complaire dans des lectures dangereuses, mater une langue trop prompte aux babillages ou à la vantardise. Il convenait maintenant de passer aux choses sérieuses.
    — Tu connais saint Vincent de Paul, je suppose ?
    — Oui, monseigneur.
    Cette fois, l’écolier avait su réprimer la pulsion du bon élève: tous les Canadiens français connaissaient ce saint ayant inspiré la

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