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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Pour le croire, les voir ensemble suffit amplement.
    Le marchand hocha la tête une autre fois. Cette information donnait un sens aux rapports étranges que les deux familles avaient entretenus jusqu’en 1914.
    — Toute sa vie, continua Elisabeth, mais en particulier lors de sa maladie, Thomas a profondément regretté son comportement à l’égard de Marie. Quand j’ai voulu vendre, Mathieu m’a dit souhaiter acquérir ma part. J’ai accepté.
    Cela me semblait un petit dédommagement.
    — Tu lui as accordé sa part de l’héritage, ricana son interlocuteur.
    — Je lui ai vendu, à bon prix, une part de son héritage.
    Il n’a pas eu un sou en cadeau, sois-en certain.
    Tous les bâtards connaissaient ce sort. Le patrimoine passait aux enfants légitimes. La visiteuse se demanda alors s’il convenait de poursuivre les confidences, de préciser le rôle de Thomas dans la mort de sa première femme, Alice.
    Ou même d’évoquer le désir de Mathieu, exprimé dès 1914, de récupérer un jour la pleine propriété du magasin.
    Finalement, elle décida de s’abstenir. Edouard avait visiblement son lot de nouvelles bouleversantes pour la journée.
    — Tout de même, murmura-t-il, tu aurais dû me le dire.
    — Crois-tu que c’est facile pour moi d’expliquer que l’homme que j’aimais a mis sa secrétaire enceinte, pour la chasser ensuite de son commerce ? Et qu’il feignait d’ignorer la nature véritable de son lien avec Mathieu ?
    — ... Non, bien sûr que non. Mais je t’assure, j’aime mieux savoir cela que de penser que tu as cessé de m’aimer.
    Tu comprends ? Comment pouvais-je interpréter ton geste, autrement ?

    L’adorable Edouard. Malgré toutes ses imperfections, il arrivait toujours à la toucher droit au cœur. Elisabeth se pencha en avant, la main tendue pour prendre la sienne.
    Longtemps, ils restèrent ainsi, les yeux dans les yeux.
    Quand elle fut en mesure de parler d’une voix assurée, elle demanda, soucieuse de changer de sujet:
    — Comment se fait-il que tu n’aies pas mangé avec ta sœur aujourd’hui ?
    — À cela aussi, tu devrais être capable d’apporter une réponse. Il paraît que tu as débauché sa domestique, Jeanne.
    — Ma responsabilité ne va pas plus loin que d’avoir repris cette femme à mon service. Le côté adorable d’Eugénie a suffi seul à la convaincre de changer d’employeur. Mais cela ne me dit pas pourquoi le repas a été annulé.
    — Elle m’a dit: «Je t’inviterai quand ma nouvelle cuisinière saura préparer des aliments mangeables.» Il paraît que c’est une grosse dame de la Gaspésie.
    Elisabeth se rappelait comment Eugénie refusait, adolescente ou jeune adulte, de se rendre utile dans une cuisine.
    Elle ne pouvait combler les lacunes de cette domestique en mettant elle-même la main à la pâte.
    — Tout de même, j’ai été surpris d’apprendre que Jeanne avait quitté cette demeure, déclara Edouard. Au fil des dernières années, j’en étais venu à penser qu’elle et Fernand...
    Au lieu de formuler son soupçon à haute voix, l’homme frotta ses index l’un contre l’autre.
    — Là-dessus, je ne peux pas te renseigner. Si mes domestiques connaissent des rumeurs les concernant, elles ne me les ont pas répétées.
    Pendant un moment encore, la mère et le fils conversèrent.
    Edouard récupéra sa bonne humeur coutumière. De son côté, Elisabeth se réjouissait d’avoir su doser ses confidences pour ne pas trop se livrer.
    Le lendemain, pour se rendre au Petit Séminaire, Raymond Lavallée mit en application une recommandation de monseigneur Buteau : la mortification par les pieds. Au lieu d’emprunter le tramway, il marcha, monta le grand escalier entre la Basse-Ville et la Haute-Ville deux marches à la fois, et marcha encore.
    Ce nouveau trajet comportait d’autres avantages non négligeables. L’exercice lui vaudrait de perdre quelques livres, donnant à son pasteur l’illusion de sacrifices aux repas. Surtout, marcher lui évitait une occasion de péché.
    L’adolescent se voyait mal expliquer au prêtre que depuis le début de septembre, matin et soir, il se réjouissait à l’idée de partager la banquette de Jacques Létourneau. De toutes ses fautes, qu’il découvrait nombreuses, la plus honteuse était certes la concupiscence.
    En soirée, son itinéraire demeurait strictement le même, avec un net avantage toutefois. De l’école à la Basse-Ville, il descendait une pente, puis un

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