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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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patients !
    La surprise marquait la voix de Marie. Avant que son imagination ne s’enflamme, la jeune femme précisa :
    — Il a seize ans, maman. Et pour tout dire, il m’inquiète.
    En quelques phrases, elle évoqua le cilice, les coups de griffe, les tentations continuelles incarnées par Chariot.
    — Tous les curés de la province paraissent obsédés par le désir de traquer le péché dans la vie des autres, dit la mère, surtout le péché de la chair. Comment se surprendre d’une attitude pareille ?
    — Je le sais bien, mais j’avais pensé...
    La marchande contempla sa fille un moment. Encore une fois, elle avait abandonné à Amélie la responsabilité de fermer le commerce pour échanger quelques mots avec Thalie. Elles se tenaient côte à côte sur le canapé du salon.
    — Tu avais pensé le ramener à la raison avec un battement de tes jolis cils, murmura Marie. Cela n’a pas fonctionné.
    — Dans son cas, je crois que les jolis cils de Mathieu auraient plus de succès.
    Marie hocha la tête. Son premier époux l’avait familiarisée avec cette sorte d’inclination.
    — La crainte du péché le conduit à s’infliger ces tortures. Pour les
    personnes
    dans
    sa
    condition,
    il
    n’existe
    pas
    de meilleure cachette qu’un monastère ou un presbytère.
    C’était là le secret le plus mal gardé de l’Église. Tous les élèves des petits séminaires ou des collèges avaient quelques histoires scabreuses à raconter sur leurs maîtres.
    — Je pensais lui dire de vivre, plutôt que de mourir peu à peu.
    — Tu ne peux pas aider tous les gens contre leur gré, dit la mère en serrant la main de sa fille.
    Elle marqua une pause avant de dire :
    — Allons aider Gertrude à préparer le souper. Que feras-tu ce soir ?
    — Je pense me rendre au gymnase de madame Hardy-Paquet.
    Je me suis négligée, ces derniers jours.
    Courir jusqu’à s’essouffler lui ferait le plus grand bien.

    *****
    L’approche des fêtes de fin d’année ne changeait rien au climat du presbytère de la paroisse Saint-Roch. Au contraire, les privations de l’avent rendaient les occupants du grand édifice un peu plus moroses.
    — Je n’arrive pas toujours à repousser les avances de Chariot, confiait Raymond Lavallée d’une voix hésitante.
    Je me sens très sale, tout à fait indigne du sacerdoce.
    L’aveu suivait une courte confession au sujet de l’écolier de Syntaxe, Louis. Monseigneur Buteau l’avait écouté en présentant un visage impassible.
    — Il ne s’est rien passé entre vous, dit le prêtre.
    La forme affirmative dictait en quelque sorte la réponse attendue.
    — Non, mais... en pensée.
    — Notre corps est un temple où nous accueillons Dieu lors de l’eucharistie. Il convient de lui conserver sa pureté, sa dignité. Abuser de son corps, c’est faire une injure au Seigneur.
    — Je m’en veux tellement. Je me sens honteux.
    Le rouge lui montait aux joues. Aborder le vice solitaire dans l’intimité du confessionnal était déjà bien difficile. Là, sous l’éclairage électrique, cela exigeait d’oublier tout orgueil, toute vanité, pour se livrer au regard de ce représentant de Dieu.
    — Cette honte, c’est le remords après la souillure, déclama le prêtre. Une sincère contrition, la ferme intention de ne pas
    recommencer,
    l’absolution,
    voilà
    qui
    permet
    de se trouver propre de nouveau.
    — Mais je finis toujours par recommencer. Chaque fois, après, je me dis «plus jamais». Puis Chariot...
    Depuis quelques semaines, le démon prenait les traits de camarades du Petit Séminaire, et non ceux d’un comédien d’Hollywood. Buteau jugea convenable de le rassurer un peu.
    — Tu sais, la chair est faible. Le péché originel nous laisse devant la tentation, mais il ne faut surtout pas se décourager. C’est à l’usure que le diable compte nous avoir.
    Si tu renonces à cause de ces rechutes, il aura gagné.
    — Ces rechutes... Pendant la confession, je promets de ne plus fauter, puis je trahis ma parole...
    Le décès inopiné d’un camarade avait entraîné, après l’hébétude des premiers jours, une recrudescence de son désir, comme si un regain de vie pouvait conjurer la mort.
    — Quand tu t’engages à ne plus recommencer, es-tu sincère ? demanda le curé.
    — Oui, bien sûr.
    — Et quand tu pèches une fois de plus contre la chair, es-tu vraiment consentant ?
    Le garçon arqua les sourcils, intrigué.
    — Personne ne me force... sauf le

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