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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de s’enrichir avec la signature des contrats de mariage, ils ajoutent ceux du divorce.
    Catherine inclina la tête, adressa un sourire amusé à son amie.
    — Est-ce que je viens d’entendre s’exprimer la morale catholique de la province dans toute sa rigueur? Tu ne m’avais pas habituée à cela.
    — Ces jours-ci, je baigne dans la rigueur morale, justement. Je loge près de la cathédrale. Si je manque la messe un seul dimanche, la nouvelle se répandra très vite et, en trois jours, je n’aurai plus une seule patiente. Même les protestantes du Jeffrey Haie me quitteraient aussitôt, influencées par l’ostracisme ambiant. Je suppose qu’à la longue, cette pression fait son effet sur moi.
    — ... En revenant ici, tu savais que le contexte religieux te pèserait.
    La question de son avenir professionnel avait fait l’objet de longs échanges épistolaires entre elles, au cours de l’année précédente. Catherine lui avait proposé de s’installer en Ontario, là où les femmes de carrière soulevaient moins de soupçons.
    — Je sais, je me suis moi-même mise dans cette situation. Après ces années à McGill, je crois que j’avais un peu oublié le climat ici. Tu sais, même dans les milieux canadiens-français de Montréal, l’atmosphère est moins...
    étouffante.
    — Dans une agglomération d’un million d’habitants, les curés ont plus de mal à tenir tout le monde à l’œil.

    Ici...
    — Ici, chacun de mes gestes est susceptible d’être discuté le lendemain à la table du curé de la cathédrale.
    Thalie avait plutôt en tête le titulaire de la paroisse Saint-Roch. Après une seule véritable rencontre, monseigneur Buteau
    lui
    paraissait
    s’infiltrer
    dans
    ses
    pensés,
    comme un ver dans un fruit.
    — Tu peux toujours revenir sur ta décision. Tu as quitté McGill avec une excellente réputation et de bons contacts dans les hôpitaux de Montréal.
    — Tu imagines la réaction de maman. Elle me maudirait.
    Son sourire contredisait ses paroles. Dans une telle éventualité, Marie la serrerait sans aucun doute dans ses bras et lui souhaiterait la meilleure chance possible.
    — Non, ce n’est pas vrai, continua-t-elle après une pause, je ne me laisserai pas chasser de ma ville par ces terreurs en soutane, si disposées à ruiner des vies pour conserver leur pouvoir sur les esprits.
    — Et en plus, renchérit Catherine, tu passes au moins une journée par semaine à travailler avec des religieuses !
    — Tu vas rire, mais les nonnes me paraissent les seules à bien comprendre mes raisons de vouloir pratiquer mon métier. Tu vois, ces femmes préfèrent aussi mener une carrière, et leurs motivations ne sont pas très différentes des miennes.
    A l’arrivée du premier service, elles mangèrent en échangeant de menus propos sur les personnes connues à l’université. Au dessert, Thalie demanda :
    — Comment vont vraiment les choses à Toronto ? Je t’ai cassé les oreilles avec mes états d’âme, maintenant, c’est à ton tour.

    — ... En réalité, tout se déroule plutôt bien.
    Catherine affichait la gêne de la personne choyée par la vie devant une amie moins chanceuse.
    — Alors, raconte-moi, dit sa compagne, sincèrement réjouie.
    — J’aurais préféré rester à Montréal, mais comme tu le sais, la pratique du droit y est impossible pour les femmes...
    L’autre acquiesça. Même si la faculté de droit de McGill acceptait des étudiantes depuis plusieurs années, ses diplômées devaient soit s’expatrier,
    soit occuper des emplois
    subalternes. Le Barreau leur demeurait fermé.
    — Honnêtement, la ville est bien un peu ennuyeuse, le cabinet qui m’emploie ne me permettra jamais de devenir associée et je me retrouve avec des mandats modestes, mais au moins, je fais du droit.
    — Je me dis à peu près la même chose tous les jours...
    Les conditions ne sont pas parfaites, mais j’aime mon métier. Au sujet de ta vie personnelle, tu n’as rien à m’annoncer?
    Dans tes lettres, le nom d’un collègue est revenu souvent...
    — Nous comptons nous fiancer bientôt. James passera une partie du congé de Noël à Sherbrooke, chez mes parents.
    — Comme tu as de la chance !
    Son plaisir devant la bonne fortune de son amie était honnête, de même que la petite piqûre de jalousie.
    — Le fait que tu fasses carrière ne le dérange pas ?
    — À l’entendre, non. Il a un certain nombre de défauts, mais pas celui de croire que je doive un

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