Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
diable.
    — Tu oublies un peu ton catéchisme, je crois. Pour pécher mortellement, il faut non seulement savoir que ce que l’on fait est défendu, mais aussi vouloir librement faire le mal. Sous l’emprise du désir...
    Un poids immense quitta la poitrine de Raymond.
    Évidemment, quand il commettait le péché solitaire, il obéissait à une pulsion. Jamais ses gestes ne visaient à offenser le Seigneur.
    — Tout de même, continua le prêtre, tu dois prendre toutes les précautions pour ne pas en arriver là. Les mortifications servent à anéantir ta volonté propre. Je me suis amusé à relire les directives que nous donnent les saints.
    Jean Climaque nous enseigne qu’il ne faut jamais laisser passer un jour sans fouler sa volonté aux pieds. Sais-tu qui il est ?

    — L’auteur de L'Echelle sainte.
    Aucun aspirant au martyre ne pouvait ignorer cet ouvrage de trente chapitres, un pour chacune des années de vie de Jésus.
    — Il y a aussi Vincent Ferrier, qui nous enseigne de mortifier notre volonté afin de ne jamais la satisfaire.
    Les écoliers de la province fréquentaient aussi ce prédicateur.
    Raymond hocha la tête.
    — Mais tous ces saints ont atteint la perfection. Je ne leur arrive pas à la cheville, dit-il en pensant à ses élans d’orgueil.
    — Tu as certainement entendu parler de sainte Thérèse.
    Notre Saint-Père a prononcé sa consécration il y a quelques mois.
    — J’ai lu sa biographie...
    — Tu devrais faire mieux que cela et lire Histoire d'une âme. Tu es peut-être encore un peu jeune. Elle te fera un excellent guide.
    L’allusion à son immaturité piqua le garçon au vif. Il se promit d’émailler le prochain cahier de son journal des citations des saints évoqués par son directeur de conscience.
    — Maintenant, fit Buteau en quittant son siège, agenouille-toi pour recevoir l’absolution.
    Cela mettait fin à une bien curieuse confession. En se retirant, comme si le souvenir lui revenait soudainement, Raymond déclara :
    — Hier, je suis allé prendre un café avec une parente à vous. La femme médecin...
    — Mais en quel honneur ? Et où cela ?
    Un bref moment, le saint homme soupçonna un commerce illicite entre sa nièce et ce séminariste exalté. En quelques mots, Raymond lui narra sa dernière visite au dispensaire des pauvres.
    — Mais cette histoire de café ?
    — Elle m’a invité à la rencontrer juste en face, au restaurant chez PICARD.
    Seule l’heure tardive empêcha le prêtre de lui demander de raconter en détail leur conversation. Il chassa le garçon avec une recommandation exprimée du ton le plus ferme :
    — Ne lui parle plus jamais. Je te l’interdis.
    — Mais elle est gentille...
    L’homme n’entendait pas lui expliquer en quoi le mode de vie de cette femme constituait une insulte à l’enseignement de l’Eglise.
    — C’est une mauvaise chrétienne, résuma-t-il. Ne lui parle plus jamais.
    Raymond rentra chez lui en se remémorant les échanges de la veille, cherchant dans les mots de Thalie des signes d’impiété.

    *****
    De retour dans sa chambre, Raymond sortit son cahier, les notes de lecture des derniers mois, puis il concocta une section de son journal faisant référence aux modèles de sainteté présentés par Jean Climaque, Vincent Ferrier et sainte Thérèse. Après une heure d’effort, le résultat lui parut un peu faible.
    L’abbé Renaud, le maître de la classe de Belles-Lettres, aimait souligner son propos de citations de bienheureuses peu connues. L’écolier se félicita de la façon studieuse dont il mettait tout par écrit. Il exhuma de ses feuilles éparses le nom d’une carmélite italienne du XVIe siècle, Marie-Madeleine de Pazzi. Il écrivit dans son journal : « Elle nous assure que pour être un vrai serviteur de Dieu, il faut: Premièrement, mourir à son jugement et à sa volonté en se soumettant à l’avis des autres. » Le directeur de conscience volontiers autoritaire apprécierait cette totale soumission.
    Après réflexion, il rédigea encore: «Deuxièmement, mourir à son amour-propre et à l’estime des autres en faisant continuellement des actes d’humilité. » Cela lui permettrait de se blinder contre les railleries de ses camarades, si prompts à évoquer
    les
    amitiés
    particulières.
    Puis
    encore
    :
    «Troisièmement, surtout faire mourir ma sensualité en m’interdisant les plaisirs qui flattent les sens. »
    Il manquait encore une conclusion à cette section. Un pli

Weitere Kostenlose Bücher