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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dans la glacière.

    — ... Que veux-tu dire, papa ?
    — Ne répète jamais que tu es une imbécile. Tu es tout le contraire. Mais justement, de vrais imbéciles pourraient te croire sur parole.
    — Oui papa, je ne le répéterai pas, fit-elle de sa voix la plus soumise.
    Le premier repas familial tenu dans le domicile de Mathieu se prolongea bien tard dans l’après-midi. Quand les invités quittèrent les lieux, Flavie se laissa tomber dans son fauteuil préféré.
    — Après tout, les choses se sont bien déroulées, murmura-t-elle.
    — Tu es la plus charmante hôtesse de la rue Saint-Cyrille.
    — Gertrude a préparé le rôti, Marie le dessert. Seuls le potage et les pommes de terre venaient de moi.
    — Je l’aurais deviné. Le meilleur potage...
    — De la rue, je sais.
    Tout de même, elle garda son sourire satisfait.

Chapitre 4

    Une fois le repas terminé chez les Lavallée, une réunion assombrie par l’attitude renfrognée du père, Raymond s’esquiva bien vite. Après avoir erré un peu dans la Basse-Ville, il se recueillit dans un banc de l’allée centrale de l’église, assis le plus près possible de la balustrade. Pendant de longues minutes, il s’absorba dans ses méditations.
    Quand le curé de la paroisse retourna vers la sacristie, l’adolescent le suivit discrètement, en habitué des lieux.
    — Monseigneur Buteau, commença-t-il, tout à l’heure, je veux dire à la messe, j’ai été totalement bouleversé par votre sermon. Je suis monté dans ma chambre en arrivant à la maison pour en commencer le résumé. Je le compléterai ce soir. La perte de Sa Grandeur...
    L’ecclésiastique pliait soigneusement son étole après l’avoir enlevée.
    — Tu ne le savais pas encore, au moment du prêche ?
    — Bien sûr, je le savais. Ce matin, les gens qui possèdent une radio se promenaient dans la rue pour annoncer la nouvelle aux autres.
    Deux stations émettaient maintenant dans la ville. Le contenu des journaux se trouvait ainsi largement commenté, et parfois les annonceurs livraient la nouvelle.
    L’adolescent parut hésiter, puis il demanda :
    — Je suppose que vous allez organiser une délégation paroissiale pour aller rendre hommage au défunt.

    — Le mot « délégation » ne convient pas. Parlons plutôt de procession. Mes vicaires et moi donneront rendez-vous devant l’église aux paroissiens ainsi qu’aux sociétés religieuses avec leurs insignes et leurs drapeaux, et nous marcherons tous ensemble vers le palais épiscopal.
    — Demain ?
    Monseigneur Buteau ressentit un certain agacement devant ce zèle, comme si ce garçon souhaitait lui enseigner son métier. Son enthousiasme religieux lui paraissait souvent exagéré.
    — Certainement pas. Les premières heures verront défiler tout le monde ecclésiastique, les membres des congrégations et ceux du gouvernement.
    Raymond Lavallée se priva du plaisir de préciser que ces gens-là, en comparaison de lui, n’étaient pas tous rendus bien loin sur le chemin de la sainteté.
    — De toute façon, continua le curé, le corps sera en chapelle ardente pendant plusieurs jours. Les paroissiens auront le
    temps
    de
    se
    recueillir
    devant
    la
    vénérable
    dépouille.
    En se débarrassant de son surplis, l’homme examinait son visiteur à la dérobée. Sa bonne mine se trouvait un peu gâchée par des yeux cernés, fiévreux, d’une intensité peut-être malsaine.
    — J’ai passé la semaine à parcourir les livres que vous m’avez recommandés, confia-t-il. L’histoire des saints martyrs canadiens m’a ému jusqu’aux larmes.
    Le garçon devançait un peu les événements en évoquant la sainteté. Le 21 juin précédent, le pape Pie IX avait déclaré
    «bienheureux» huit jésuites morts aux mains des «Sauvages » lors de
    la
    période
    héroïque
    de
    la
    Nouvelle-France.
    La canonisation de deux d’entre eux, Brébeuf et Lalemant, n’aurait pas lieu avant cinq ans.
    — Le récit de leurs tortures surtout... Les doigts coupés, les haches rougies au feu posées sur leur poitrine, les lambeaux de chair découpés sur les cuisses pour être dévorés, les corps nus livrés aux flammes...
    Une exaltation morbide s’emparait de l’adolescent, au point de mettre son interlocuteur mal à l’aise. Il marqua bientôt une pause dans son énumération lugubre avant de murmurer :
    — Je voudrais tellement faire comme eux, devenir missionnaire et aller évangéliser les Nègres en Afrique. Je veux être

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