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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Mathieu.
    — Mais comme vous ne faites pas encore chambre à part, le manque de lits ne pose pas de difficulté, plaisanta Thalie.
    — Voyons, ne dis pas des choses comme cela, s’indigna la mère en fronçant les sourcils.
    — Mais c’est justement parce que nous ne faisons pas chambre à part que nous devrons meubler ces chambres, tôt ou tard, ricana le fils.
    Cette fois, ce fut d’un regard sévère que Marie imposa à ses enfants de changer de sujet. Plutôt que de clamer qu’il pouvait bien formuler à mots couverts son intention d’avoir des enfants devant la famille, Mathieu enchaîna :
    — Sœurette, tu accepteras sûrement de nous accompagner au palais épiscopal demain soir. L’illustre défunt sera en chapelle ardente à compter du matin.
    — Je ne sais pas si cette visite m’intéresse...
    Plus franche, elle aurait admis ne pas y tenir du tout. En réalité, l’idée lui répugnait.
    — Si tu es dans cette disposition, je viendrai te prendre en passant, pour être certain de ta présence. Car tu le sais bien, tu n’as pas le choix, et moi non plus.
    Un instant, la jeune femme voulut protester, puis elle acquiesça d’un geste de la tête. Personne dans la ville ne pouvait négliger d’aller saluer le célèbre cadavre, la mine recueillie et avec, de préférence, les yeux un peu rougis. Ne pas se plier à l’exercice entraînerait la ruine d’une réputation, et surtout celle d’une carrière naissante.
    — Marie et moi irons aussi, renchérit Paul Dubuc.
    Tous les députés, même ceux de religion protestante, devraient
    se
    montrer
    et,
    idéalement,
    mériter
    un
    commentaire sur leur visite dans les journaux. Aucun n’hésiterait d’ailleurs à verser un dollar ou deux à un gratte-papier pour voir son nom cité dans un article édifiant sur le sujet.
    — Je suis sans doute la seule dans cette maison à ne pas avoir de motif professionnel de me rendre devant le saint homme, commenta Amélie.
    — Je n’en ai pas non plus, renchérit Gertrude.
    — Nous pouvons y aller ensemble, alors. Nous passerons pour de vraies dévotes.
    — Le grand garçon aux cheveux roux sera avec nous ?
    La domestique lui jetait un regard narquois. Le fait de ne pas se trouver dans le domicile de la rue de la Fabrique ajoutait encore un peu à son impertinence habituelle.
    — Pourquoi pas, fit l’autre sur le même ton.
    — Tant mieux. Je ne le déteste pas, celui-là. Surtout comparé aux autres.
    Sur ces mots, Gertrude se leva pour aller chercher le rôti dans le four.
    — Mais moi, je ne l’ai jamais vu, ce David, commenta Mathieu. Car c’est de lui dont il s’agit, n’est-ce pas ?
    — Oui...
    — C’est un gars dégingandé, les cheveux roux un peu en désordre, les oreilles décollées...
    En voyant son amie rougir, Thalie arrêta sa description et posa sa main sur son avant-bras.

    — Oh! Je m’excuse, je ne voulais pas te blesser. Je deviens un peu aigrie. Ce doit être la vieille fille qui s’exprime. J’ai maintenant vingt-cinq ans révolus. A la prochaine Sainte-Catherine...
    — Tu as raison, dit Amélie d’une voix chevrotante.
    David n’est pas un beau garçon... Mais le premier imbécile venu peut
    avoir
    un
    beau
    visage.
    Prenez-moi,
    par
    exemple...
    Le rouge lui montait aux joues, bientôt des larmes apparaîtraient à la commissure des yeux. Le sujet paraissait susceptible de lui chavirer le cœur.
    — Voyons, dit Thalie un peu désemparée, c’est un bel homme. Pas joli, pas l’un de ces visages si harmonieux qu’ils paraissent féminins. Mais c’est une belle tête, on s’imagine sans mal passer une soirée à converser avec lui.
    « Et même bien plus longtemps », songea la jolie blonde.
    Si ses joues gardèrent leur teinte rose, le sourire revint sur ses lèvres.
    — Alors, si le bonhomme a toutes ces qualités, comment se fait-il que je ne le connaisse pas encore? demanda Mathieu.
    — Le hasard, déclara Marie. Il vient à la maison le mardi ou le jeudi, depuis quelques semaines.
    — Ce sont les bons soirs, ricana le maître de la maison.
    Tout le monde le sait, le samedi soir, les jeunes filles prennent leur bain.
    Sauf la mère, qui trouvait ses enfants bien enclins à aborder des sujets intimes ce jour-là, tout le monde s’amusa de la remarque. La conversation s’attarda un long moment sur l’élection fédérale prochaine et la douceur de juillet.
    — Amélie, ne répète pas cela, déclara Paul pendant que sa femme allait chercher le dessert

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