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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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peuple goth, sans cesse obligées de repousser les assauts
lubriques de leurs compatriotes mâles, qui avaient le vice chevillé au corps.
Fatiguées de cette situation, elles avaient trouvé refuge dans la fuite,
s’exilant volontairement. Ayant fui parmi les solitudes, elles avaient vécu
longtemps dans l’errance. Malgré la faim, les rigueurs du climat, la terreur et
les nombreuses misères qu’elles avaient alors endurées, elles s’étaient fait le
serment que plus jamais leur petite bande ne fréquenterait ces hommes abhorrés,
et qu’elles demeureraient perpétuellement entre elles, dévouées les unes aux
autres et misandres.
    Toujours selon le chant, elles avaient atteint une splendide
cité de Scythie, aujourd’hui appelée la Sarmatie, alors peuplée des puissants
et florissants Scythes. Les femmes de cette ville, accueillant comme des sœurs
ces fugitives gothes usées par le voyage, les avaient nourries, habillées et
choyées, insistant pour qu’elles demeurent parmi elles. Mais fermement
déterminées à se débrouiller seules, les rudes filles des bois ne cédèrent pas
à la tentation de se sédentariser. Elles conservèrent cependant certaines
coutumes scythes, tel l’enivrant usage de la fumée de hanaf. Elles
avaient aussi gardé de la religion scythe deux divinités féminines, Tabiti [46] et Argimpasa [47] , dont elles firent leurs déesses tutélaires. Ayant
accepté divers présents susceptibles de leur servir dans les solitudes, elles
retrouvèrent leurs forêts d’antan, accompagnées de certaines femmes scythes,
converties à la haine des hommes.
    Depuis, continuait de grincer Morgh, ce métissage de femmes
gothes et scythes n’avait cessé de s’épanouir dans la liberté et
l’indépendance, se suffisant à lui-même. Elle expliqua comment elles avaient
parfois recours à un homme, au moment choisi par elles, s’en servant comme d’un
inséminateur uniquement destiné à perpétuer l’espèce. À ce moment de la
légende, j’interrompis mon pénible effort d’attention pour laisser vagabonder
ma pensée et me mis à échafauder de nouvelles conjectures, tant ce chant m’en
avait appris.
    Je compris d’abord comment la Vieille Langue pratiquée à
l’origine par ces femmes avait pu être corrompue par ce qu’elles appelaient
désormais la Vieille Langue. Il s’agissait à l’évidence de la langue scythe,
bien plus ancienne que la langue gotique. Il ne faisait en tout cas aucun doute
que ces Walis-karja étaient des hybrides de Gothes et de Scythes, sans
même parler des hommes qui les avaient fertilisées, issus eux aussi d’un
certain nombre d’autres races. À la vérité, je me sentis soulagée de ne pas
être totalement sœur de sang avec ces horribles femmes.
    Le chant de Morgh m’apprit également autre chose, bien que
ce ne fût exprimé que de manière implicite. Je compris en effet la raison du
manque total d’attractivité des Walis-karja, et leur indifférence
vis-à-vis de la sexualité et de la féminité. J’avais lu dans les vieux livres
d’histoire que les Scythes, à l’origine beaux, intelligents et énergiques,
s’étaient progressivement laissé aller à l’embonpoint, la mollesse et
l’apathie. Hommes et femmes s’étaient mués en de virtuels eunuques, perdant
tout intérêt pour les plaisirs de la chair. S’il fallait en croire les livres,
cette funeste conjonction de leur perte de vigueur et de leur incapacité à
procréer avait précipité leur fin.
    Il me semblait clair que contrairement aux Scythes, ces Walis-karja n’avaient en rien précipité leur fatal destin. Comme les Scythes, elles
étaient peu à peu devenues grosses, disgracieuses, plutôt apathiques et
viscéralement abstinentes, mais c’était dû essentiellement à leur croisement
avec ce peuple étranger. Un souvenir me revint : j’avais jadis remarqué le
mot d’origine scythe enarios, signifiant dans mon esprit un
« homme-femme ». Je l’avais alors pris pour le synonyme du mannamavi que j’étais. J’avais désormais de bonnes raisons de croire qu’il désignait tout
simplement une femme hommasse, particulièrement virile. Et ce mot, les Scythes
l’avaient sans doute utilisé pour qualifier les Walis-karja.
    En quittant Lviv pour me lancer à la poursuite de la perfide
Geneviève, j’avais eu la sensation de m’écarter, sur un coup de tête, de ma
mission historique. Et pourtant, de façon tout à fait fortuite, j’étais tombé
sur une masse

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