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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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il
expliqua :
    — Vous avez sans doute vu les casques que portaient mes
légionnaires, au cours du Triomphe. Ces casques de parade sont en réalité des
masques, destinés à maintenir l’idée que les légions romaines restent
exclusivement composées de Romains, ces natifs de la péninsule italienne au teint
olivâtre. Sans ces masques, on découvrirait la peau claire des soldats
germaniques, celle jaunâtre des Asiatiques, celle bistre et basanée des Grecs,
et même celle noire comme le charbon des Libyens. Bien peu ont le teint
olivâtre, en fait. Mais… papaí [63] … (il haussa les épaules) c’est un fait
acquis depuis bien longtemps, déjà, et qui suis-je pour m’en plaindre ? On
me nomme l’empereur romain, et je suis un Grec Isaurien.
    —  Vái ! grogna Soas. Si l’on remonte suffisamment
loin, les Romains des origines sont très proches des Grecs, Sebastós. Tout
natif de la péninsule italienne possède du sang des Albains, des Samnites, des
Celtes, des Sabins, des Étrusques et des Grecs, qui très tôt, fondèrent
des colonies sur ses côtes.
    — Et plus récemment, ils ont aussi reçu une part de
sang germanique, renchérit Théodoric. Pas seulement les paysans, mais également
les classes privilégiées. Des hommes tels le Vandale Stilicon, les Francs Bauto
et Arbogast, ou encore le Suève Wisigoth Ricimer, après s’être fait un nom à
Rome, marièrent leurs enfants aux meilleures familles romaines.
    Il n’échappa à personne que Théodoric avait pris soin de ne
point mentionner le Scire Odoacre en fin de liste.
    Pitzias poursuivit :
    — Bien avant que la Péninsule ne prît le nom d’Italie,
elle se nommait Oenotria, la Terre du Vin. On raconte qu’à l’époque un Romain
se prit de querelle avec ses concitoyens, et décida de leur jouer un mauvais
tour. Animé par le dépit, il envoya des échantillons de vin aux barbares
Germains vivant au-delà de la frontière, qui jusqu’alors ne l’avaient jamais
goûté. Ils furent si conquis par ce breuvage qu’ils envahirent Oenotria. Ainsi
se produisit, d’après l’histoire, la première invasion barbare dans l’Empire.
    Nous gloussâmes de rire à cette évocation, et Zénon
intervint :
    — Fable attachante, certes, et pas très éloignée de la
réalité. Il est avéré en effet que les Romains de jadis envoyèrent des cadeaux
aux Vandales, aux Wisigoths et à d’autres peuples situés au-delà de leurs frontières,
et ceux-ci ont fort bien pu inclure des vins fins. Même si ces présents étaient
bien évidemment destinés à persuader les étrangers de demeurer sagement là où
ils se trouvaient, ils eurent exactement l’effet inverse. Les étrangers
apprécièrent tant ces nouveautés exotiques qu’ils en voulurent davantage. Et
quoi de mieux que de descendre sur Rome pour se servir eux-mêmes ?
    Herduic prit la parole :
    — Mais vous l’avez dit, Sebastós, c’était dans
l’ancien temps. Désormais, tout Germain de l’Empire, que ce soit celui d’Orient
ou d’Occident, ne se perçoit plus comme un Ostrogoth, un Suève, un Gépide ou
autre, mais avant tout comme un citoyen romain. Il considère l’Empire comme une
institution éternelle, inviolable et sacrée, qu’il convient de préserver, et il
est prêt à tout pour cela. Peut-être est-il même bien plus romain que les
natifs d’Italie à la peau olivâtre.
    — Il y a toutefois une chose que ces autochtones
n’accepteront jamais, fit Zénon avec calme, et je vais vous expliquer laquelle.
Tous ces étrangers germains que vous venez de mentionner, et qui accédèrent à
des postes très élevés dans l’Empire, étaient tous païens ou ariens. C’est la
raison pour laquelle aucun d’eux n’a réussi à conserver bien longtemps sa
suprématie. L’Empire d’Occident étant avant tout catholique, et ces hommes ne
l’étant pas, le peuple romain peut accepter leur ascension, mais jusqu’à un
certain stade, et pour une durée limitée. À présent, chers invités, qui veut
reprendre du vin ?
    Plus tard, quand l’empereur eut éclusé son content du
breuvage de Chios et que ses interprètes furent partis, Théodoric nous donna
son sentiment personnel :
    — Zénon s’est trahi par ce discours. Il exprimait en
fait pourquoi il tient à ce qu’Odoacre soit renversé. Parce que ce dernier est
catholique, justement.
    —  Ja, gargouilla Herduic. Odoacre prétend même
que c’est un prêtre catholique ermite rencontré durant sa

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