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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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être foudroyé, car il était maintenant mort et sans feuilles. L’éclair avait
nettement fendu son tronc, dont une moitié gisait au sol, sa surface plate
ayant un peu l’aspect lisse d’un pupitre de chaire. Et comme pour accroître cette
ressemblance avec une table de lecture, on y avait déroulé un parchemin, et
posé dessus des récipients ressemblant à ceux de la Sainte Communion : un
vieux calice terni, un simple plateau en guise de patène, un morceau de bois
grossièrement creusé comme ciboire. Derrière ce simulacre d’autel se tenait un
mannequin de paille drapé de la bure de toile marron des prêtres et d’une étole
blanche. L’autre moitié de l’arbre avait encore ses branches, auxquelles
étaient pendus d’innombrables instruments de musique. Il y avait là des harpes
privées de leurs cordes, des cymbales ébréchées, des trompettes salement
tordues – le tout dans un état de délabrement avancé – qui
tintinnabulaient, rouillaient et cliquetaient aux quatre vents. J’avais beau
réfléchir, je ne voyais rien, ni dans les Saintes Écritures ni dans l’histoire,
qui pût donner un sens à un assemblage si curieux.
    — Cela ne vous saute donc pas aux yeux, pèlerin ?
demanda fièrement le prêtre avec un sourire triomphant.
    — Est-ce une vaste blague, une plaisanterie ?
    —  Oukh, pas du tout. Comme vous, tous les
chrétiens s’arrêtent pour demander de quoi il s’agit. Et la plupart s’arrêtent,
saisis d’admiration… juste pour se mettre en état d’adoration.
    — Ah ! Et ils adorent ce… foutoir ?
    — Oui, et tout en séjournant à Mylasa, ils dépensent de
quoi manger et se loger. Ils font des offrandes à notre modeste église,
distribuent des aumônes, ou achètent de petits objets souvenirs bénis par notre
évêque Spódos, comme cette flûte miniature en roseau. Je suis sûr que vous en
voulez une.
    Je déclinai l’offre, arguant que je n’étais ni pèlerin ni
chrétien orthodoxe, et dis :
    — Je reconnais là le faux prêtre et l’autel, mais à
quoi riment les instruments de musique ?
    L’ecclésiastique, comprenant qu’il ne tirerait aucun profit
de ma visite, ne vit pas de raison d’en faire mystère. Il me déclara donc sans
le moindre embarras :
    — Loin vers l’est se dresse le mont Ararat, où vint
s’échouer l’Arche quand prit fin le Déluge. Près de la montagne s’élève une
église chrétienne assez semblable à la nôtre. Son entreprenante et énergique
congrégation y a bâti une immense réplique de l’Arche de Noé, pour laquelle ils
ont même taillé d’énormes ancres de pierre. Les pèlerins chrétiens viennent de
loin pour la voir, l’admirer et l’adorer, et enrichissent d’autant les
responsables de cette construction. De ce fait, cette terre d’Asie Mineure
abonde en copies de sites et d’objets bibliques les plus variés.
    — Excusez-moi, saint homme, mais… quel est le rapport
avec cet arbre surchargé ?
    D’un geste expressif du bras, il continua :
    — C’est dans ces contrées que saint Paul fit ses
voyages de conversion. Aussi, en étudiant attentivement ses paroles et ses
écrits, nous avons été inspirés par un passage que nous avons sélectionné et…
le résultat est devant vous ! (Il englobait d’un vaste geste la
mystification.) Maintenant, les pèlerins peuvent se recueillir à l’endroit même
où saint Paul a prêché !
    Voyant que je me contentais de battre des paupières en signe
d’incompréhension, le prêtre réagit, quelque peu irrité :
    — Quoi ? Rien ne prouve qu’il n’a pas prêché en
cet endroit.
    — Pardonnez ma lenteur d’esprit, Votre Sainteté, mais
je ne comprends toujours pas. Tous ces instruments de musique… je ne me
souviens pas avoir lu dans la Bible que Paul ait eu un quelconque penchant
musical…
    —  Ouá ! cria-t-il avec une jubilation
débordante. Nous avons été trop intelligents pour vous ! Mais bon,
attendez, attendez. Vous m’avez avoué ne pas être chrétien. Si vous l’étiez,
vous sauriez qu’à l’époque de Paul, les premiers chrétiens étaient très portés
sur les transes et les extases, durant lesquelles on balbutiait je ne sais quel
galimatias, soi-disant d’inspiration divine. C’était tout sauf chrétien, vous
en conviendrez, car cela sentait à plein nez l’imitation des oracles païens,
qui délivrent leurs prophéties de façon plus ou moins ésotérique et codée.
C’est pourquoi Paul,

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