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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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un homme, sans
attendre que l’âge ou la maladie ne l’emportent. Il peut être privé de
nourriture, d’eau, d’air, ou même des trois à la fois, mais ce n’est pas très
rapide. Il peut aussi être brûlé, crucifié ou empoisonné, ce qui prend
également un certain temps. Il peut aussi être frappé d’un coup violent, par
une masse d’armes ou le projectile lancé d’une catapulte, mais même cela ne
garantit pas la mort. Non, la façon la plus sûre et la plus expéditive de tuer
un homme est de lui trouer la peau et de laisser sa vie le quitter par
l’écoulement de son fluide vital. Ce trou peut être percé par un objet aussi
banal qu’un bâton pointu, ou par quelque chose d’aussi surprenant que ce que
j’utilisai, jadis, pour faire ma toute première victime : le bec d’un juika-bloth. Quelle arme utilisa le premier tueur de l’Histoire ? La Bible ne le
précise pas. Mais elle mentionne bien que le sang coula, aussi Caïn avait-il
très certainement blessé mortellement son frère Abel. Depuis lors, au fil du
temps, l’homme n’a cessé de consacrer toute son ingéniosité à inventer de
nouveaux moyens de trouer son prochain : lances, épées, couteaux, flèches…
tout en cherchant sans trêve à les perfectionner, mettant au point la lance
tournoyante, la pointe de flèche à barbelures, la tranchante lame-serpent. Les
hommes du futur auront peut-être des armes dont moi et mes compagnons n’avons
même pas idée, mais une chose est sûre, leur finalité sera toujours de trouer
peu ou prou les chairs. Ainsi, l’objectif des guerriers du futur ne différera
guère de celui des âges obscurs de l’époque de Caïn ou de ce jour qui venait de
s’écouler en bordure du Sontius : il ne s’agira de rien d’autre que de
percer le cuir de son prochain, encore et toujours. Akh , je sais bien
qu’en réduisant la bataille la plus farouche et la guerre la plus épique à cet
acte absurde, dénué de tout héroïsme, j’encours la réprobation et le discrédit
de ceux qui me liront. Mais interrogez quiconque a pris part à une
guerre !
    Toujours est-il que nous finîmes par l’emporter. Quand les
trompettes romaines sonnèrent pour rallier les légions à leurs étendards, ce
fut l’ordre urgent mais lugubre du receptus ! [84] qu’elles
envoyèrent. Et de fait, toutes les troupes qui avaient convergé jusqu’ici se
mirent à refluer ; ceux qui combattaient encore luttèrent pour briser
notre étreinte afin de s’esquiver, et l’armée entière reflua vers l’ouest,
emportant à la hâte tous les équipements ou les vivres qu’elle pouvait sauver
des campements, les armes tombées sur le champ de bataille, ses montures sans
cavaliers, ainsi que tous les blessés qui pouvaient marcher ou que l’on pouvait
encore déplacer. Au cours des siècles de guerres qu’elle a menées, l’armée
romaine n’a pas eu bien souvent à faire retraite, mais elle a appris à le faire
de façon organisée et rapide. Nos hommes donnèrent bien entendu la chasse à
l’ennemi, harcelant ses arrières, ses retardataires et ses traînards, mais
Théodoric donna également l’ordre à ses officiers de rassembler les troupes, et
n’envoya à la poursuite de l’armée romaine que quelques speculatores chargés de suivre sa trace afin de savoir où elle irait se réfugier.
    Mon premier objectif fut de retrouver mon cheval. Velox
étant équipé d’une selle romaine, l’ennemi avait pu le prendre pour une de ses
montures, même si son étrange corde de soutien l’aurait peut-être fait douter
un instant. Heureusement, je le retrouvai indemne, en train de brouter dans
l’espace défriché entre la rive et les bois. Il était obligé de sélectionner
avec attention les touffes d’herbe qu’il arrachait, car partout, de ce côté de
la rivière, la prairie était souillée de sang. Velox en était constellé, et
j’en étais moi-même copieusement recouvert, comme toutes les bêtes et tous les
hommes présents sur le champ de bataille, vivants ou morts. Quand les
survivants allèrent nettoyer dans les eaux du Sontius leur corps et leur
équipement, le cours de la rivière se teinta de rouge vif, et le resta un bon
moment. Si les habitants établis entre ici et l’Adriatique avaient ignoré la
confrontation de nos deux armées, ils en seraient vite avertis, et se feraient
une juste idée du carnage qui venait d’avoir lieu.
    Les légions romaines ne laissèrent derrière elles

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