Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
niu ?
    — Ja. Cela signifie, en quelque sorte, un bon à
rien.
    — Eh bien, nauthing c’est la même chose, mais en
bien plus insultant. Cela vient de la rune appelée nauths, qui ressemble
à deux branches croisées en leur milieu. Tu connais l’alphabet runique, je
suppose ?
    — Bien sûr. Nauths indique le son
« n », et signifie misère, dénuement.
    — Tout à fait. Un nauthing, c’est pire qu’un
vaurien. C’est une fripouille, un dérisoire moins que rien, un vil individu,
indigne même de mépris. C’est la pire insulte qu’un Goth puisse proférer. Si un
homme est traité de cela par un autre, il doit l’affronter, lutter à mort avec
lui. S’il y déroge, il est banni. Tous se détournent de lui et le mettent à
l’écart : son peuple, sa tribu, son gau [14] , sa sibja [15] , même ses proches. Il ne mérite même plus le nom d’homme. Il est devenu
tellement… bref, tellement nauthing que, si pour une raison ou une autre
il est tué par un autre Goth, la loi gothe ne prendra même pas la peine de
poursuivre son meurtrier.
    — Et… vous avez déjà ainsi traité mon frère en
face ?
    — Pas encore. Même si nous sommes cousins à un degré
éloigné, nous ne nous sommes encore jamais rencontrés. Mais cela viendra. Et ce
jour-là, je te le promets, je le regarderai carrément dans l’œil –
qu’as-tu donc à hennir, jeune fille ? – et à voix haute, devant tout
le monde, je proclamerai que Théodoric est un nauthing. Et je planterai
sur place un bâton de nauthing.
    —  Qu’est-ce donc ?
    — Deux branches, attachées de façon à représenter la
rune en question. Au moment où tu profères l’insulte, tu les plantes en terre
devant toi. Elles jettent un mauvais sort à l’adversaire, qu’il décide ou non
de t’affronter, même s’il sort vainqueur du combat. Cela ressemble un peu à l’ insandjis, la malédiction que lancent les maléfiques haliuruns.
    —  Vraiment ? Mais alors… si je vous
traitais ici même de nauthing… et que j’aille me procurer de quoi me
fabriquer un bâton de nauthing…
    Ce fut au tour de Strabo d’éclater de rire.
    — Ne te fatigue pas, fillette. Pas la peine de chercher
à altérer ma bonne humeur en me menaçant. Je te l’ai dit, il s’agit d’une
histoire d’hommes. Et si tu tiens à rester en bonne santé, ma petite, je te
conseille de ravaler à l’avenir tes remarques impudentes… À moins que tu ne
puisses me montrer un svans [16] pour justifier ton manque de
respect si peu féminin face à la supériorité naturelle de l’homme.
    De ma voix la plus humble, je répondis :
    — Vous avez raison, ja. C’est ce que je devrais
faire.
    — Très bien… c’est mieux comme ça…, murmura-t-il,
s’endormant de nouveau, sans remarquer mon malicieux sourire de jubilation
anticipée.
     
    *
     
    Au cours des deux ou trois jours qui suivirent, je me
dévouai au service de ma propre servante. La pauvre créature, qui n’avait pas été
gâtée par la nature, était apparemment traumatisée, vidée et dévastée ;
elle gisait inerte sur la couche de sa chambre, et ne faisait que pleurer.
Aussi allai-je m’asseoir à son chevet, lui prodiguant des paroles de soutien et
de réconfort, tout en lui portant quelques bons morceaux à manger, même si elle
ne devait pas avoir grand appétit.
    Nous trouvâmes une manière rudimentaire de communiquer à
base de gestes et de grimaces, et Camilla parvint à me faire comprendre que ce
n’était pas du fait de la douleur, d’un malaise ou du désespoir qu’elle était
tombée dans cette prostration. Bien au contraire, elle pleurait de joie,
d’avoir été, ne serait-ce que fugitivement, la « femme » du roi
Thiudareikhs Triarius en personne ! Et si elle gardait ainsi l’immobilité
la plus totale, c’était uniquement pour pas renverser une goutte du visqueux bdélugma qu’avait expulsé Strabo dans sa koilía, car elle nourrissait l’ardent
espoir qu’un de ses virils spérmata trouverait sa route à l’intérieur de
son hystéra, et qu’elle, toute misérable domestique qu’elle était,
deviendrait la mère d’un bâtard royal.
    Lorsque Strabo revint me rendre visite, il se trouvait dans
un état si proche de l’apoplexie qu’il n’était plus en mesure de me molester,
et encore moins Camilla. Il vint juste, l’écume à la bouche, darder sur moi ses
yeux bouillants de rage et se mit à tempêter :
    — Cette fois-ci, ma patience est à bout !

Weitere Kostenlose Bücher