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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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afin
d’alimenter la ville en eau. Celle de cette rivière, vous pouvez le voir et le
sentir, n’est pas des plus propres, vu les marécages qu’elle traverse. C’est
pourtant l’unique ressource liquide de Ravenne, dont l’aqueduc est depuis
longtemps tombé en ruine. L’eau longe donc de près les murs de la ville, et y
pénètre à intervalles réguliers par de petites arches surbaissées débouchant
sur des canaux qui quadrillent l’intérieur de la cité. Je me suis arrangé… pour
que ces eaux amènent dans Ravenne quelques petites surprises.
    Admiratif, je m’exclamai :
    — Pour un observateur neutre, Navarchus, vous me
semblez avoir adopté un remarquable esprit de conquête ! Ces choses que
construisent les hommes, s’agirait-il de bateaux ? Ils semblent bien
étroits et bien petits pour transporter des soldats.
    — Oui, des sortes de bateaux… Mais qui n’ont pas besoin
d’équipage, aussi leur robustesse importe peu. Et s’ils sont petits, c’est
étudié pour qu’ils puissent glisser facilement sous les arches.
    — En ce cas, pourquoi les avoir dotés d’un mât et de
voiles ? Cela ne va pas faciliter leur passage !
    — Ils passeront, fit-il, la mine réjouie. Coque
retournée.
    — Pardon ?
    Je ne pus que rester totalement perplexe devant lui et les
constructions en question. Lentinus, qui avait imaginé pour barrer le port des
sortes de boîtes géantes, avait ici conçu de fines embarcations fluviales,
oblongues et peu profondes, des tubes creusés dans le bois n’excédant guère ma
taille et mon envergure. Et sur les deux ou trois en passe d’être achevées, je
vis les ouvriers ajuster des mâts dans ce qui aurait dû être la rotondité
inférieure de la coque. Ce n’étaient du reste que de rudes poteaux grossièrement
équarris, gréés de très petites voiles en toile carrées.
    — L’esquif flotte sur l’eau, comme toute embarcation
digne de ce nom, expliqua Lentinus, mais les voiles sont sous l’eau. Le courant
les propulse ainsi vivement vers l’aval, au lieu de les laisser lentement
dériver, au risque d’aller s’échouer parmi les roseaux des berges, ou de rester
bloqués sous une arche ou dans l’étranglement d’un canal. Pendant ce temps, la
partie concave de la coque supérieure transporte la cargaison.
    — Fort bien pensé…, fis-je, sincèrement impressionné.
    — Ce n’est pas ma propre invention. Les anciens Grecs,
au temps où ils avaient encore l’esprit guerrier, l’appelaient le khelaí, la
« pince de crabe ». Si une flotte ennemie abordait dans l’un de leurs
ports, ils lançaient furtivement ces objets afin d’en infiltrer leurs navires,
pour ainsi dire, de les pincer par en dessous, à la manière des crabes.
    — Pincer l’ennemi avec ça ? fis-je. De quoi
allez-vous les charger ?
    Il me le montra, car on était justement en train de remplir
l’un des khelaí qui venait d’être achevé.
    — Nous autres marins l’appelons le feu liquide. Encore
une invention des Grecs, avant qu’ils ne dégénèrent en nation de méduses. Il
s’agit d’une mixture faite de soufre, de naphte, de poix et de chaux vive. Je
vais peut-être vous l’apprendre, Saio Thorn : la chaux vive, une
fois mouillée, se réchauffe au point de mettre le feu aux autres ingrédients,
et le mélange brûle ensuite avec rage, même sous l’eau. Vous avez déjà noté la
légèreté des khelaí… J’ai donc essayé de les rendre étanches juste le
temps suffisant pour qu’ils entrent dans Ravenne. Ensuite, ils seront imprégnés
d’eau, la température de la chaux commencera à s’élever et… euax ! Feu
liquide ! s’exclama-t-il avec une malice infantile surprenante pour un
homme d’un certain âge.
    — Merveilleux ! m’exclamai-je, toujours sincère.
Mais je me dois de vous adresser une petite mise en garde. J’ai tout lieu de
penser que Théodoric préférerait prendre Ravenne plus ou moins intacte. Je
doute fort qu’il vous applaudisse si vous réduisez sa capitale en un tas de
cendres fumantes.
    Il partit d’un nouveau rire.
    — Vous n’avez pas à vous en faire, ni vous ni
Théozoric. Je fais cela juste pour empoisonner un peu Ozoacre, et empêcher ses
soldats de bien dormir la nuit. Il s’agit aussi, je ne vous le cache pas, de
nous sortir un peu de l’ennui, car nous autres assiégeants sommes lassés de
cette étouffante attente. Dès que les premiers khelaí les auront pincés
un peu, je doute que les

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