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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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défenseurs ne les laissent pénétrer profondément dans
la ville pour y opérer leurs déflagrations avec un risque significatif. Mais
nul doute qu’ils vont contribuer à tenir ce petit monde en éveil, soldats comme
habitants de la ville, et à les rendre nerveux en leur pourrissant un peu le quotidien.
    La nuit venue, sur les instructions de Lentinus, quelques
soldats se glissèrent à l’eau et conduisirent l’un des khelaí au milieu
de la rivière, puis le pointèrent vers l’aval et le laissèrent filer. Deux
autres furent lancés coup sur coup à sa suite, frôlant la surface de l’eau. Ces
trois lancers accomplis, nous nous prélassâmes au bord du fleuve, épiant la
rose lueur renvoyée sur le ciel par des lanternes et les feux de camp de
Ravenne. Si des sentinelles en poste au sommet de la muraille repérèrent les khelaí en approche, ils durent les prendre pour des troncs d’arbres dérivant au fil du
courant, le cours d’eau étant en général couvert de débris divers. L’une au
moins de ces « pinces de crabe » pénétra bel et bien à quelque
distance dans la ville. En faction depuis les rives, nous vîmes distinctement
le ciel s’éclairer tout d’un coup, et nous sautâmes sur nos pieds en criant
force Sái ! et Euax ! tout en nous donnant de joyeuses
bourrades dans le dos. Le feu liquide fit rage un bon moment, et nous imaginâmes
avec jubilation la tête des gens de l’intérieur allant et venant, l’air
consterné, devant leurs tentatives infructueuses d’éteindre un brasier
résistant aussi mystérieusement à l’eau.
    Dès que le rougeoiement céleste se fut résorbé, je dis à
Lentinus :
    — Merci pour ce divertissement. Demain, je vous
laisserai, vous et vos hommes, à ces joyeuses farces. Je dois courir rendre
compte à Théodoric de ce qui se passe ici. Et je ne tarirai pas d’éloges sur
votre ingéniosité.
    — Je vous en prie, fit-il, souriant tout en levant une
main pour protester. Je vous demande de bien vouloir respecter ma neutralité.
    — Très bien. Je louerai donc la qualité de votre
neutralité. Neutre ou pas, vous serez le premier à vous rendre compte du moment
où Ravenne en aura plus qu’assez du feu liquide, aura mangé ses morceaux de
lard jusqu’au bois des étagères, ou tout simplement sera épuisée de cet
interminable siège et ne voudra plus le supporter. Vous m’enverrez alors un
messager au triple galop, à la minute même de sa reddition.
     
    *
     
    Mais Ravenne ne se rendit pas.
    Elle continua à demeurer solidement close, murée dans le
secret de son silence. Pas le moindre timide émissaire n’émergea des murailles,
ne serait-ce que pour s’enquérir d’une possible reddition à des conditions favorables.
Ne pouvant rien faire, si ce n’est attendre que l’usure de ce long siège vînt à
bout de l’obstination d’Odoacre, Théodoric décida de l’ignorer. Il occupa les
mois suivants à gouverner son nouveau domaine exactement comme si sa capitale
claquemurée et son ex-roi séquestré n’existaient plus.
    Il procéda par exemple à la répartition entre ses hommes des
bonnes terres qu’ils avaient conquises en son nom. N’ayant de toute évidence
plus de grandes batailles en vue, Théodoric dispersa ses troupes en petits
contingents dans le pays. Puis, imitant plus ou moins le traditionnel système
romain du colonatus [111] il alloua à chacun des soldats de ces forces une terre de la région (quand il
était intéressé) sur laquelle il pourrait bâtir une ferme, élever des
troupeaux, faire ce que bon lui semblerait. Bien sûr, beaucoup préférèrent à la
terre une somme d’argent équivalente et la consacrèrent à l’achat d’une
échoppe, d’une forge, d’une étable ou encore d’un commerce de village. Les
tavernes, entre autres, se taillèrent un franc succès.
     
    *
     
    À mesure que ces choses allaient leur train, il est évident
qu’Odoacre, grâce à ses speculatores, devait en être informé. Il se
rendait certainement compte que son domaine de naguère ne lui appartenait plus
et que ce serait sans doute définitif. Il allait également de soi que les
conditions de survie à Ravenne devaient lentement se rapprocher de
l’intolérable. Tout homme raisonnable eût cherché à négocier. Mais l’hiver
arriva. Nul messager, pas le moindre mot ne sortit des murailles. Ravenne ne se
rendait toujours pas.
     
    *
     
    Tandis que les vétérans de la conquête commençaient à
s’installer comme

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