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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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précisa que ce marquage devrait être opéré summo
gaudio plebis avant d’ordonner que Georgius soit ensuite contraint de
travailler pour le restant de ses jours aux côtés des autres esclaves assignés
à endurer « l’enfer à ciel ouvert », le pistrinum, le moulin
de Ravenne. Turpiter decalvatus signifie « honteusement
scalpé » et summo gaudio plebis voulait dire que Georgius subirait
ladite mutilation en public, « pour la plus grande joie des masses ».
Mais je ne me joignis pas à ces réjouissances.
    Comme Gudahals me le raconta plus tard, les geôliers
placèrent sur la tête grise de Georgius un bol de métal sans fond, qu’ils
enfoncèrent jusqu’aux oreilles et aux sourcils, de sorte que la peau de son
crâne affleurât au niveau du fond du bol. Après quoi ce dernier fut rempli de
charbons ardents et tenu fermement en place par les gardiens, tandis que Georgius
hurlait et luttait tout en se contorsionnant, et que tout le haut de sa tête,
des cheveux à la chair et à la peau, brûlait jusqu’à l’os. La foule, aux dires
de Gudahals, prit un vrai plaisir au spectacle. Une sourde acclamation s’éleva
lorsque la chevelure de Georgius prit feu, mais il n’y eut ensuite plus
grand-chose de spectaculaire, hormis une noire fumée grasse. Georgius fut
finalement emmené, inconscient. Il se réveilla nu, enchaîné à la meule, en
compagnie des autres esclaves à moitié morts du pistrinum.
    Plus tard, certaines questions me revinrent, que j’eus envie
d’aller poser au vieillard. Peut-être parce que je me sentais dans une large
mesure responsable de la mort prématurée de sa fille. J’éprouvais une certaine
curiosité à savoir quelle sorte d’homme Livia avait pour compagnon et ce
qu’avait pu être sa vie d’épouse. Je me pressai donc jusqu’au moulin, craignant
que le vieux Georgius ne survive pas bien longtemps. J’avais hélas raison,
aussi ne lui demandai-je rien du tout. Il était déjà mort à mon arrivée. Ses
pitoyables restes avaient rejoint ceux d’Odoacre, dans la fosse commune proche
de la synagogue.
     
    *
     
    L’arrivée de la princesse franque Audoflède à Ravenne, où
elle élut domicile, ne contribua pas à me remonter le moral. Son frère, le roi
Clovis, l’avait envoyée vers le sud de sa capitale de Durocortorum [115] ,
encadrée d’une considérable escorte de gardes et de serviteurs et son convoi
était arrivé à Lugdunum au moment où Épiphane s’y trouvait encore en mission.
L’évêque l’avait donc ramenée avec lui en compagnie des captifs libérés. Elle
se trouvait là désormais, ce qui provoqua chez moi un étrange mélange de
mélancolie et de ressentiment.
    Akh, je fis de mon mieux pour lutter contre cet état
d’esprit. Je me dis qu’une chose au moins avait changé. Je n’avais plus le
double de l’âge de la princesse, juste dix-neuf ans de plus que ses vingt et un
ans. Et je dus bien concéder qu’Audoflède n’était ni une petite bécasse
frivole, ni une jeune virago prétentieuse. Elle était d’une indéniable
élégance, de visage comme de silhouette, avec de larges yeux bleus, une cascade
de boucles dorées, un teint ivoire, une fière poitrine. Son maintien altier
allait de pair avec son aisance d’expression. De plus, elle ne faisait pas
étalage de sa beauté de manière enjôleuse ou ostentatoire. Elle se montrait à
mon égard aussi plaisante et gracieuse qu’avec tous les autres membres de la
cour et n’affectait aucune morgue dans ses rapports avec les domestiques, ni
même avec les esclaves. Audoflède constituerait en somme une reine idéale pour
Théodoric.
    Je n’en voulais pas trop à Théodoric de me négliger,
maintenant qu’en plus de ses devoirs royaux, il passait le reste de son temps à
faire sa cour à Audoflède et à prévoir les détails d’un grandiose mariage
royal. La seule chose qui m’ennuyait – je ne pouvais m’empêcher de me le
dire – c’était de voir le roi posé, rigoureux et grave que j’avais connu
se transformer en un soupirant dévoré d’amour, exalté et transi. Je trouvais par
exemple qu’il galvaudait la dignité de sa barbe, dont la magnificence avait
atteint celle d’un prophète biblique, en la fendant si fréquemment de fades
sourires évaporés. Avait-il vraiment besoin de s’agiter ainsi et de la couver
de ces yeux pâmés ? Elle avait été, après tout, envoyée auprès de lui en
mission pour ce mariage. Eût-il été indifférent, froid ou même

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