Théodoric le Grand
émus pas davantage. Lorsqu’il tenta, le
souffle un peu court, de me complimenter sur l’impétueuse ardeur de mon
étreinte, je lui intimai le silence, car je ne me sentais pas d’humeur à
échanger des paroles. Lorsque je me tordis de délices en hurlant à plusieurs
reprises le nom d’un autre, sous le visage interloqué du jeune homme, pas une
seconde je ne me préoccupai de ce qu’il pouvait bien penser de moi. Et
lorsqu’au bout d’un long moment, il implora le répit, je le lui refusai,
inassouvie, impérieuse, insatiable. Pris de panique, le jeune homme s’arracha
alors frénétiquement à mon étreinte, comme s’il se sentait emprisonné dans les
serres impitoyables d’une sorcière haliuruns et il s’enfuit dans la nuit
sans demander son reste, éperdu de honte et de terreur.
32
Peu après le coucher du soleil, par une belle soirée d’été,
j’entrai dans les faubourgs septentrionaux de Rome sur la Via Nomentana,
accompagné de la petite escorte que j’avais choisi d’emmener avec moi.
J’arrêtai notre troupe pour la nuit dans une auberge située en bord de route,
dont la cour et les étables me parurent d’une taille suffisante. Quand je
pénétrai dans la pièce principale de la taverne, je fus surpris d’être gaiement
accueilli par une joviale apostrophe du caupo :
— Háils, Saio Thorn !
Je me tins un instant perplexe, tandis qu’il s’avançait vers
moi d’un pas pesant, la main ouverte, continuant en ces termes :
— Ça va faire un moment que je me demande quand mes
anciens camarades vont commencer d’arriver !
Je le reconnus alors, en dépit de son nouvel embonpoint.
C’était le cavalier Ewig, que j’avais naguère envoyé sur les traces de Tufa,
dans le sud de Bononia. Je ne pus m’empêcher d’éprouver une gêne passagère,
dans la mesure où j’étais Veleda au moment où j’avais connu ce garçon. Mais je
ne tardai pas à réaliser avec soulagement qu’il avait évidemment connu le Saio Thorn de vue, bien avant cette période.
Tandis que nous nous serrions la main à la romaine, il se
mit à bavarder :
— J’ai exulté en apprenant la mort du maudit Tufa, et
je savais que c’était grâce à vous, Saio Thorn, comme nous l’avait
promis Dame Veleda. Comment va cette galante personne, au fait ?
Je l’assurai qu’elle allait bien, ajoutant que lui non plus
n’avait pas l’air de se porter trop mal, pour un soldat du rang censé être
toujours speculator au service de notre armée.
— Ja, Dame Veleda m’avait enjoint de rester dans
les parages et d’ouvrir l’œil. C’est ce que j’ai fait, vous pouvez me croire,
jusqu’à aujourd’hui même. Mais il n’y avait pas de mal à me lancer
parallèlement dans d’autres projets, pas vrai ? Quand le caupo de
cet établissement a passé l’arme à gauche, je me suis empressé de courtiser sa
veuve et l’ai épousée. Et comme vous le voyez, ja, ma femme, la taverne
et ma bedaine (il se tapota la panse) avons plutôt prospéré depuis lors, en
effet.
À partir de ce jour nous nous installâmes dans la taverne et
en fîmes, ma petite troupe et moi, notre quartier général. Ewig maîtrisait désormais
parfaitement le latin et comme il connaissait la ville à fond (du moins ce
qu’un homme du peuple peut en connaître) il devint mon guide, enthousiaste et
loquace, jamais à court d’informations utiles. Je découvris en sa compagnie
tous les monuments et sites les plus notables que tout visiteur tient
absolument à voir, ainsi que nombre d’autres endroits dont il ignorerait en
temps ordinaire jusqu’à l’existence, tel le quartier de Subure [116] ,
où les lupanars, comme le veut la loi, se trouvent regroupés.
— Comme vous pourrez le remarquer, m’indiqua-t-il,
chacun de ces établissements affiche ostensiblement son numéro de licence, et
toutes les ipsitilla sont blondes. C’est également stipulé par la
loi : elles doivent ou bien se teindre les cheveux, ou porter un foulard
jaune. Personne n’y trouve à redire, pas plus les péripatéticiennes que leurs
clients. Certaines de ces putains se teignent également la toison intime,
figurez-vous.
Je ne décrirai pas les paysages et endroits de Rome connus
de tous, même de ceux qui n’y sont jamais venus. Tout le monde connaît
probablement, par exemple, l’amphithéâtre flavien popularisé sous le nom de
Colosseum du fait de la proximité du Colosse de Néron qui domine ses murs. S’y
déroulent des
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