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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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des « hérétiques », et la
quasi-totalité des citoyens de basse extraction que me présenta Ewig, pour peu
qu’ils fussent croyants, étaient toujours adeptes du grouillant panthéon romain
de dieux, de déesses et d’esprits éminemment païens. Ce qui me surprit bien
davantage, ce fut de constater que la majorité des citoyens des hautes classes
que je rencontrai en compagnie de Festus, parmi lesquels de nombreux sénateurs
de ses amis, étaient aussi des païens non régénérés. Avant l’empereur Constantin,
Rome avait reconnu, en dehors de son informe foi païenne, ce qu’elle appelait
les « religions licites » (religiones licitae) telles que le
culte d’Isis importé d’Égypte, celui d’Astarté venu de Syrie, la croyance en
Mithra née en Perse, et la foi des Juifs en Yahvé. Il devenait à présent
évident à mes yeux que ces religions, bien que mal vues par le pays et
violemment condamnées par les clercs chrétiens, n’étaient ni mortes, ni
moribondes, et encore moins négligées.
    Non que quiconque s’y consacrât réellement, d’ailleurs.
Comme les privilégiés que j’avais rencontrés à Vindobona, ceux de Rome
considéraient la religion comme l’une des distractions dont ils jouissaient au
cours de leurs nombreux moments de loisirs. Ils pouvaient professer une
certaine foi un jour, une autre le lendemain, selon les fêtes religieuses et
les banquets susceptibles d’en découler. Quelle que fut la religion considérée,
les gentilshommes romains avaient tendance à en privilégier les aspects
permissifs ou inconvenants, quand ce n’étaient pas les plus indécents. Nombre
de cours d’entrée étaient ainsi ornées de statues de la déesse Murtia, et comme
pour bien montrer que cette dernière était la divinité de la langueur et de la
paresse, les jardiniers prenaient soin de les laisser se recouvrir de mousse.
L’un des sénateurs de Rome, Symmaque, illustre patricien respecté entre tous et
officier public le plus haut placé de la ville, puisqu’il en était le préfet,
possédait dans sa propre cour d’entrée une statue de Bacchus. La silhouette affichait
un massif fascinum ayant de quoi faire bondir le visiteur et portait
l’inscription : Rumpere, invidia [121] suggérant que le spectateur
devait, en la voyant, brûler et crever d’envie.
    J’avais été invité à un convivium dans la villa du
préfet et sénateur Symmaque, au cours duquel nous nous étions engagés avec
beaucoup de naturel dans un jeu consistant à composer des palindromes.
Improvisé ainsi avec désinvolture, ce genre de jeu sur les mots avait peu de
chances d’être du plus pur latin, mais ce qui me frappa, ce fut surtout leur
absence d’élégance. Le premier, qui fut proposé par Boèce, fils adoptif et
gendre de Symmaque, m’apparut un peu déplacé dans la mesure où nous nous
trouvions en plein repas : Sole medere pede ede perede melos [122] . Le
suivant, concocté par un autre jeune homme, Cassiodore, avait au moins la vertu
d’être le plus long composé ce soir-là : Si bene te tua laus taxat, sua
laute tenebis [123] . Et le troisième, In girum
imus nocte et consumimur igni [124] fut proposé par une illustre patricienne mariée
depuis peu, Rusticienne, fille de Symmaque et femme de Boèce.
    N’étant pas spécialement prude moi-même, et sans prévention
particulière contre une raisonnable licence, j’appréciai pleinement la
compagnie de ces nobles à l’esprit libre et leste. Les trois hommes que j’ai
mentionnés se trouveraient en bonne place dans le gouvernement de Théodoric.
Ils en deviendraient de proches conseillers, en partie grâce à l’estime que
j’avais pour eux et que j’avais pu communiquer au monarque.
    Anicius Manlius Severinus Boèce, de son nom complet, était
issu d’une des plus nobles familles de Rome, les Anicii. Il avait la beauté,
l’argent et l’esprit ; sa femme Rusticienne, aussi belle que fougueuse,
était pleine d’entrain. Boèce n’avait que la moitié de mon âge quand je fis sa
connaissance, mais je n’eus aucun mal à sentir en lui un prodige d’intelligence
et de créativité. Il devait tenir toutes ses promesses auprès de Théodoric,
dont il dirigea l’administration en tant que magister officiorum, et
s’illustra en marge de ses fonctions officielles par maintes prouesses annexes.
Au cours de son existence, il traduisit en latin au moins une trentaine
d’ouvrages grecs de science et de philosophie, dont

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