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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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fait découvrir les parties de la ville
qu’il connaissait le mieux, et qu’il m’eut présenté toutes les sortes possibles
de petites gens, du marin chapardeur aux prêteurs sur gages et aux grosses lenae [119] des lupanars, je décidai qu’il était temps pour moi de découvrir la Rome
raffinée des hautes classes. Je demandai donc où l’on pouvait trouver le
sénateur Festus. Ayant appris qu’il possédait l’une des jolies villas donnant
sur la Via Flaminia, je m’y rendis. Le mot « villa » désignant au
départ une résidence de campagne, celle de Festus avait peut-être été bâtie à
l’origine sur un paysage verdoyant, mais l’extension de Rome avait depuis
longtemps repoussé vers l’extérieur les murailles de la cité. Elle s’élevait
dans ce que l’on continue d’appeler le Champ de Mars, bien que cet espace
compris entre la Via Flaminia et la rivière ne soit plus depuis belle lurette
constitué de champs, mais empli de jolies demeures en étroit contact.
    Le sénateur me reçut chaleureusement, me gratifiant au
passage de vibrants « Torn », et m’installa très confortablement,
chargeant aussitôt ses esclaves de nous apporter des viandes tendres et des
libations. Festus me servit lui-même du vin de Massique et y mélangea de la
cannelle de Mosylon, sans doute la forme la plus raffinée de cette épice. La
villa était meublée comme un petit palais. De nombreuses statues côtoyaient de
riches tentures de soie et des morceaux de verre bleus, verts et violets
comblaient le treillage de marbre des fenêtres. Les murs de la salle où nous
nous trouvions étaient ornés de panneaux de mosaïque représentant les quatre
saisons : les fleurs du printemps, la récolte du blé en été, les vendanges
de l’automne et la cueillette des olives en hiver. Mais la villa avait aussi
ses côtés prosaïques. Comme dans la plus humble cahute des quartiers du port,
on tendait aux portes des carpettes humides afin de rafraîchir les étouffantes
brises estivales.
    Festus m’offrit aimablement de me trouver une demeure
personnelle, digne d’un maréchal du roi doublé d’un ambassadeur. En quelques
jours à peine, il y parvint et me proposa une maison de ville sur le Vicus
Jugarius [120] ,
qui avait été la rue des ambassadeurs étrangers, avant que ceux-ci ne soient
contraints d’émigrer à Ravenne. Bien que n’étant ni une villa ni un palais, la
demeure me parut d’un luxe tout à fait suffisant, d’autant qu’elle comprenait
des communs permettant de loger les domestiques, que le sénateur m’aida aussi à
trouver. Un peu plus tard, et sans l’aide de Festus ni d’Ewig, je fis
l’acquisition au-delà du pont Aurélien, dans le quartier résidentiel situé de
l’autre côté du Tibre, d’une maison plus modeste destinée à loger Veleda durant
son séjour romain.
    Le sénateur brûlait de me présenter d’autres Romains de son
rang, et j’en rencontrai beaucoup au cours des semaines qui suivirent. Il tint
aussi à m’emmener un jour à la Curie pour assister à l’une des séances du Sénat
romain, m’assurant que je ne regretterais pas cette mémorable expérience. Je
suppose qu’en bon provincial débarqué de sa campagne les yeux ouverts comme des
soucoupes, je m’étais attendu à une impressionnante cérémonie, à la solennité
intimant le respect. Mais en dehors d’un aspect bien particulier, je trouvai
l’exercice aussi assommant qu’ennuyeux. Les discours que j’y entendis me
parurent d’une consternante inutilité, et même les déclarations les plus
creuses, les plus gonflées de vide furent cependant acclamées de tous les
gradins de vifs Vere diserte ! Nove diserte ! signifiant
« Bien parlé ! »
    Ce qui sauva les discussions de l’ennui suprême fut pour moi
l’instant où le sénateur Festus en personne se leva pour émettre une
proposition :
    — J’en appelle conjointement à l’appui des honorables
sénateurs assemblés ici même ainsi qu’à celui des dieux…
    Il enroba bien sûr sa déclaration de l’habituel verbiage
préliminaire ayant noyé toutes celles entendues jusqu’à présent, mais sa
diatribe culmina par la proposition de mettre au vote la reconnaissance de la
souveraineté sur Rome de Flavius Teodoricus Rex. Son oraison fut dûment honorée
de cris de Vere diserte ! Nove diserte ! de la part de tous
les sénateurs présents, y compris ceux qui votèrent ensuite contre la
proposition par laquelle Festus appela à

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