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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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et Thorn…

 
9
    En quittant Noviodunum, Swanilda et moi évitâmes de nous
mettre au petit galop, afin de maintenir nos montures à un pas que pût suivre
Lombric. Swanilda, qui s’était retournée pour jeter un coup d’œil,
m’indiqua :
    — Personne ne nous suit, Thorn.
    Je me contentai de grogner :
    — Les dieux doivent aimer la grasse matinée. Que le
diable l’emporte durant son sommeil.
    — Mon fráuja le Boueux m’a parlé de vos centres
d’intérêt, fráuja Thorn, fit Lombric, apparemment habitué à parler
distinctement tout en courant. Je vais vous présenter à un couple d’Ostrogoths
âgés de ma connaissance qui, comme toutes les vieilles gens, sont très portés
sur leurs souvenirs.
    — À la bonne heure, Lombric. Mais pourrons-nous
effectuer tout notre parcours dans le marais à dos de cheval ? Ou
devrons-nous franchir des étendues d’eau de temps à autre ?
    —  Ne, ne. Vous trouverez parfois le sol un peu
détrempé, et ce ne sera pas très plaisant, mais je connais les chemins
conduisant à pied sec à travers les marécages. Faites-moi confiance, fráuja, pour vous éviter tout danger ou ennui imprévu.
    Le sol, essentiellement plat, était couvert d’une herbe
duveteuse d’un vert argenté qui, dressée, aurait dépassé la hauteur de ma tête,
même perché sur Velox. Mais ces tiges fines et élancées s’étaient affaissées en
poussant, aussi reposaient-elles, courbées par le vent et ondulées telles des
vagues, au niveau de genou de Lombric et des chevaux. Là où l’herbe avait
choisi de ne pas pousser, le sol était couvert d’une épaisse couche de sauge
aux efflorescences bleuâtres, qui répandait, piétinée sous les sabots de nos
chevaux, une pénétrante odeur médicinale.
    Nous vîmes de fréquentes volées d’oiseaux, dont beaucoup
m’étaient inconnus : le gracieux ibis au bec verni, le pélican pataud,
l’élégante aigrette empanachée. Nous ne parvînmes pas à surprendre un seul des
mammifères du delta, mais croisâmes plus d’une fois des bovins ou des moutons
que leurs propriétaires avaient laissés paître à leur guise, les rendant ainsi
presque sauvages. Comme l’avait annoncé Lombric, le sol spongieux cédait
parfois sous le pas, mais çà et là au contraire, la terre s’arrondissait en de
proéminents monticules suffisamment secs et solides pour supporter une maison,
et sur lesquels les habitants du marais avaient bâti leurs demeures.
    En milieu de matinée, le ciel s’obscurcit soudain de façon
inquiétante, et nous fûmes vite enveloppés dans un véritable crépuscule. Je dus
sortir ma pierre de soleil pour scruter les deux et m’assurer que nous gardions
bien cap au nord. Mais les nuages devinrent bientôt si noirs et si épais qu’il
me fut impossible de distinguer dans le glitmuns la tache bleuâtre
indiquant le soleil. Des éclairs éclatèrent, des roulements de tonnerre
ébranlèrent l’atmosphère, et bientôt, violente et diluvienne, une pluie
crépitante s’abattit sur nous. La foudre, qui grésillait et frappait le sol
alentour, m’inquiétait : placés où nous étions, nous représentions une
cible particulièrement exposée dans ce paysage extrêmement plat. La remarque
que fit Swanilda en riant n’eut pas de quoi me décontracter :
    — Et si c’était Thor qui cherchait à nous débusquer,
avec ses éclairs ?
    J’avais effacé ce personnage de mon esprit, et ne fus que
modérément satisfait de l’y voir resurgir. Aucun abri à la ronde, et Lombric
n’avait d’autre solution que de continuer à nous guider tant bien que mal, d’un
pas pesant, à travers ce rideau de pluie. Peu après, nous nous retrouvâmes tous
les trois, bras levés protégeant nos têtes, tandis que nos chevaux dansaient la
chamade : la pluie s’était subitement changée en une redoutable grêle
blanche cinglante comme un fouet. Tels des graviers lancés à toute volée, des
grêlons gros comme des grumes de raisin nous frappaient et rebondissaient sur
nous, puis s’abattaient sur l’herbe duveteuse en une masse grouillante, faisant
du sol un plancher blanc aussi remuant qu’instable. Cette cataracte était si
douloureuse que j’en vins vraiment à imaginer que Thor s’acharnait sur nous
avec une maligne perversité. Lombric éleva la voix de façon à dominer le
tumulte :
    — Ne vous affolez pas, fráuja. Ce genre de
soudaine bourrasque est assez fréquent, dans le delta. Cela ne dure jamais
longtemps.
    Il

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