Théodoric le Grand
jeune homme fraîchement débarqué ici… ou d’un
dieu, si son nom est bien Thor, comme il le prétend. Il arbore en tout cas les
emblèmes de cette divinité, à commencer par le marteau de Thor qui pend à son
cou. La fibule de son manteau et sa boucle de ceinturon portent en blason
l’horrible croix angulaire symbolisant le mouvement tournant du marteau de
Thor. Il est descendu avec son cheval d’une autre barge, arrivée peu de temps
après la vôtre. Un jeune homme d’à peu près votre âge, d’une taille similaire
et au teint tout à fait semblable. Il est imberbe, ce que je trouve curieux
pour un dieu. Il vous a nommé par votre nom, et a donné de vous une description
assez fidèle. Je me suis demandé s’il n’était pas votre associé, votre
assistant, votre apprenti… enfin, quelque chose de ce genre.
— Il n’est rien de tout cela. Je ne le connais pas.
— Étrange. Lui vous connaît. Il affirme vous avoir raté
de très peu à Durostorum. Et semble assez contrarié d’avoir à vous pourchasser
aussi loin. Il a ronchonné, râlé et grogné, tout à fait comme un dieu, en fait.
Je me souvins du jeune homme qui nous avait regardés partir
depuis le quai, tandis que notre barge s’éloignait. Mais cela ne me disait
absolument pas de qui il s’agissait et pourquoi il me suivait ainsi. Je me
contentai donc de répondre, masquant mal mon impatience :
— Qui que ce soit, je déteste être suivi.
— Dans ce cas, je me félicite de lui avoir dit que je
ne vous avais pas vu, et que votre nom même ne me disait rien. Mais il doit
tout de même être plutôt vif d’esprit, puisque c’est moi, le Boueux, qu’il est
immédiatement venu voir pour demander de vos nouvelles. Il n’a pas été long à
découvrir que j’étais, dans tout Noviodunum, la meilleure source d’information.
Il s’attendait à ce que vous me rendiez visite. Il va sûrement revenir ici à
votre recherche.
Agacé, sans savoir exactement pourquoi, je crachai :
— Je me fiche bien de ce qu’il peut faire ! Je ne
le connais pas, vous dis-je. Jamais du reste je n’ai entendu parler d’une
personne portant le nom d’un dieu.
Swanilda intervint, faisant remarquer d’un ton léger :
— Si l’on prend la peine d’y songer, le nom de Thor,
dans l’alphabet romain, n’a qu’une seule lettre de différence avec ton nom,
Thorn.
Cette remarque fortuite me prit de court, et je murmurai :
— Tu as raison. Ma foi, j’ai si peu vu mon nom écrit
que… jusqu’à cet instant, jamais je n’avais pensé à cela.
Peut-être eus-je souhaité prendre le temps de réfléchir un
peu à cette petite révélation, si Meirus n’était revenu à la charge,
insistant :
— Sous le sceau de la confidence, Maréchal, vous allez
bien me le dire… Ce jeune homme serait-il un vieil ennemi à vous ?
De nouveau contrarié au plus haut point, je sifflai entre
mes dents :
— J’ai beau rechercher, jamais je n’ai eu
d’ennemi – qu’il soit mortel ou dieu – nommé Thor. Mais si cet homme
en est un, et qu’il vous rend une nouvelle visite, dites-lui bien que je
préfère que mes ennemis m’attaquent de front plutôt que par derrière.
— Ne vaudrait-il pas mieux l’attendre et lui dire tout
cela vous-même ? Je pensais que vous seriez au moins curieux de le voir.
Bien que, là encore, je ne puisse dire pourquoi, je me
sentis à cet instant fort vexé, à moins que ce ne fût une prémonition, et
j’explosai :
— Écoutez-moi bien, le Boueux ! Je me soucie comme
d’une guigne de ce genre de sangsue. Je n’ai pas plus d’intérêt pour ce chien
reniflant mes traces que n’en eurent les Goths pour ces traînards de Gépides.
Faites venir ici votre Lombric, et partons. Si ce petit dieu, ou quelqu’un de
sa famille, est vraiment déterminé à me trouver, il n’aura qu’à arpenter le
marécage sur mes traces.
— Comme vous voudrez, Saio Thorn. Si donc cette
personne revenait s’enquérir de votre sort, dois-je lui montrer la direction
que vous avez prise ?
— Iésus Xristus ! Vous pourriez le noyer au
fond d’un des pots de votre saloperie de boue, que je n’y trouverais rien à
redire !
Meirus leva les mains d’un geste de défense et
s’exclama :
— Oh vái ! Vous avez l’air aussi fier,
impérieux et comminatoire que lui. On croirait avoir affaire à un dieu, là
aussi. Par tous mes aïeux, j’aimerais être présent quand vous vous rencontrerez
vraiment. Thor
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