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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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nature.
    Pour autant, cet apprentissage progressif des Goths, la
culture et le raffinement acquis au fil du temps ne semblaient nullement les
avoir amollis, et ils ne négligèrent en aucun cas leurs codes de conduite
parfois sévères.
    — Jamais un roi n’a imposé à ses sujets une loi,
m’expliqua encore un vieil homme. Les seules lois des Goths sont celles qui,
conçues dans l’Antiquité, ont été mises à l’épreuve par une longue pratique. Un
homme pris en train de commettre un crime en est tenu directement responsable.
Imaginons qu’il ait tué un de ses compagnons sans raison valable. Pour
punition, il sera tué à son tour par un membre de la famille de sa victime, à
moins qu’ils ne se laissent attendrir par le règlement d’un wairgulth [39] satisfaisant. Voilà pourquoi, dans notre Vieille Langue, le même mot qualifie
la « culpabilité » et la « dette ». Si un crime est commis
sans que son auteur soit pris sur le fait, et qu’il n’en est que suspect, il
peut prouver son innocence en se prêtant à l’ordalie. Il peut aussi passer
devant un juge, et faire garantir son innocence par un nombre suffisant de
témoins de moralité attestant sa probité.
    Le vieil homme fit une pause et sourit :
    — Bien sûr, quiconque ayant eu l’expérience d’un de ces
juges civilisés pourrait à bon droit se défier de leur objectivité. Ils sont
souvent faciles à soudoyer, et peuvent se laisser influencer par des intérêts
particuliers. Pour un juge goth, c’était tout simplement impossible. Son siège
était en effet tapissé d’une peau humaine, celle du précédent juge qui s’était
rendu coupable de corruption. Cela datait parfois de si longtemps que la peau
en question était racornie, déchirée et en lambeaux… mais il était difficile,
pour le juge, d’ignorer un rappel aussi éloquent de la nécessité de justice et
d’honnêteté.
    Je pense l’avoir dit clairement, les tenanciers goths de ces gasts-razna m’apprirent plus de détails utiles que les Roumains
propriétaires d’ ospitune. Mais les uns et les autres étaient d’accord
sur un point, me mettant en garde contre un seul danger. Un Roumain en parla le
premier :
    — Fais attention, jeune homme, que toi et tes
compagnons gardiez bien la direction du nord suivie jusqu’ici. Si votre quête
devait vous y contraindre, vous pourrez obliquer vers l’ouest, mais jamais,
sous aucun prétexte, vous ne devrez dévier vers l’est. À quelque distance au
nord d’ici, vous rejoindrez la rivière Tyras [40] . Quoi qu’il
arrive, ayez soin de demeurer sur sa rive occidentale. De l’autre côté
s’étendent en effet les plateaux de Sarmatie, dont les forêts de sapins sont
arpentées par les terribles viramnes.
    —  Le sens de ce mot roumain m’échappe, fis-je.
    — En latin, on dirait les viragines.
    — Akh, ja, repris-je. Ces femmes que les Grecs
anciens qualifient du nom d’Amazones. Et vous me dites qu’elles existent
vraiment ?
    — Je ne saurais affirmer s’il s’agit des véritables
Amazones. Ce que je puis certifier, en revanche, c’est que ce sont de
redoutables guerrières, aussi haineuses que brutales.
    Geneviève, qui assistait à cette conversation, demanda
soudain, sur le ton d’une femme cherchant à évaluer à quelle concurrence elle
pourrait avoir affaire :
    — Ces femmes ont-elles vraiment la beauté qu’on leur
prête ?
    Le Roumain leva les bras en signe d’impuissance.
    — Comment voulez-vous que je vous le dise ? Je ne
les ai jamais vues, et je ne connais personne dans ce cas.
    — Alors, pour quelle raison les craignez-vous donc
autant ? fis-je, intrigué. Comment savez-vous même qu’elles
existent ?
    — Il est arrivé que certains voyageurs errants
traversent leur territoire, et que très exceptionnellement, l’un d’eux en
revienne sain et sauf… Les histoires rapportées par lui avaient de quoi vous
faire dresser les cheveux sur la tête, quand le pauvre homme racontait les
souffrances qu’il avait endurées de leurs mains. Pour ma part, je n’ai jamais
rencontré l’un de ces survivants, mais c’est ce que l’on raconte. On dit aussi
que poussés par la nécessité, une bande de colons roumains à la recherche de
terres traversèrent un jour les eaux du Tyras. Ils avaient l’intention de
défricher une clairière, quelque part dans les forêts de Sarmatie. Nul n’a plus
jamais entendu parler d’eux, pas même les proches qu’ils avaient

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